Fondées en 1975 par Gérard Watelet, les éditions Pygmalion fêtent cette année leurs 40 ans. Telles la figure mythique éponyme, elles ont guidé des générations de lecteurs parmi la mer agitée des parutions littéraires. Histoire, romans et témoignages, Pygmalion a toujours eu vocation à toucher le grand public ainsi qu’à le faire rêver. Puisque 40 ans est aussi l’âge du changement, Pygmalion a décidé de se refaire une beauté. Rencontre avec Florence Lottin, nouvelle directrice de la maison et opératrice principale de ce renouveau identitaire.
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En quelques mots, pourriez-vous nous rappeler l’historique de la maison ?
La maison a été fondée en 1975 et est devenu un département de Flammarion en 2003. Depuis ses débuts elle a toujours su faire preuve d’audace. Cette fougue est en quelque sorte la marque de fabrique de Pygmalion. Les habitués de la marque la connaissent surtout pour ses parutions historiques et fantasy. Documentaires, ouvrages de spiritualité et romans policiers sont également à notre catalogue depuis sa création.
Les deux auteurs qui font la popularité de Pygmalion sont George R.R. Martin et Robin Hobb. Leurs grandes fresques littéraires étaient un défi pour un éditeur au moment où elles ont été achetées, preuve de la témérité de Pygmalion qui a su découvrir les deux plus grands auteurs de fantasy !
Aujourd’hui, Pygmalion fête ses 40 ans et ce n’est pas rien ! Quarante ans est un âge formidable pour une personne comme pour une maison d’édition. C’est le nouveau 30 ans, âge de tous les possibles !
Nouvelle preuve d’audace, la maison a choisi pour ce 40e anniversaire de se refaire une beauté. Pourriez-vous nous parler de ce repositionnement ?
A 40 ans, notre maison était riche d’un catalogue complet et varié mais n’exprimant pas assez son identité. Pygmalion devait conserver son image de guide, de conseiller auprès des lecteurs, et pour cela, il était important pour nous de réaffirmer l’audace de nos débuts, de montrer en quoi nous étions différents des autres maisons. Nous cherchons, comme l’indique notre nom, à aiguiller les lecteurs vers les livres dont ils ont besoin pour se sentir bien. Nous tenons à suivre les tendances et avant tout à apporter au lecteur ce qu’il souhaite, lui faire comprendre que nous sommes à son écoute. Voilà pourquoi un changement de positionnement nous a semblé pertinent à ce stade de notre histoire, afin de rappeler à notre public nos valeurs fondatrices.
C’est donc dans cette optique que nous avons lancé au mois d’octobre notre nouveau logo, inspiré de l’ancien mais tout en modernité et surtout choisi une nouvelle police.
Pour expliquer notre renouveau, nous avons fait une plaquette de présentation à l’automne, inspirée du “glamour”. Petite parenthèse étymologique : le terme “glamour”, d’origine écossaise, définit une forme de magie destinée à embellir la réalité. Pour moi, c’est exactement le rôle que joue la lecture dans nos vies. C’est du moins ce que nous avons envie de faire avec le nouveau Pygmalion. En d’autres termes : aider le lecteur à devenir celui qu’il souhaite en lui proposant ce dont il a besoin. Attention, bien que j’évoque des livres dits “feel good” et “glamour”, je ne parle évidemment pas de livres jetables et sans fond, mais bien de vraie littérature.
Se sentir bien, s’ouvrir et découvrir, voilà en résumé la nouvelle promesse de la maison !
Pouvez-vous revenir rapidement sur votre parcours et nous expliquer comment une éditrice se retrouve chargée du repositionnement d’une maison ?
J’ai toujours évolué dans le milieu de l’édition. J’ai travaillé pendant 11 ans pour les éditions J’ai Lu, la marque poche de Flammarion, où j’ai eu la chance de pouvoir toucher à tous les genres littéraires. J’ai Lu est en effet la seule maison poche généraliste à réellement publier tous les genres de littérature, de la littérature générale à la romance, en passant par l’imaginaire. C’était une expérience très enrichissante en tant qu’éditrice de pouvoir s’essayer à des projets si divers.
Puisque Pygmalion était un département de Flammarion, je connaissais déjà la maison. Son ancien directeur, Charles Dupêchez dont j’aimerais saluer le travail, a pris sa retraite au printemps. C’est à cette occasion que l’on m’a demandé de prendre sa suite. Arrivée en mai, je me suis lancée aussitôt dans ce repositionnement. Tout a été très rapide !
Nouveau logo, nouvelle ligne éditoriale, pourriez-vous nous donner un aperçu en quelques mots du nouveau catalogue ?
Ne voyez pas dans ce nouveau positionnement de rupture trop brutale avec notre ancien catalogue. Fiction comme non-fiction auront toujours leur place chez Pygmalion, dans le but de répondre à la seule exigence qui nous tient véritablement à cœur : faire en sorte que les lecteurs se sentent bien. Je n’ai pas de réelles limites concernant le genre d’ouvrages que nous allons défendre, je souhaite pouvoir me faire plaisir et faire plaisir aux lecteurs en m’autorisant la publication d’ouvrages nouveaux, différents, qui illustrent parfaitement l’ouverture d’esprit que j’évoquais plus tôt.
J’ai également l’intention de revenir aux fondamentaux de la maison en redéveloppant la veine spiritualité toujours dans le but d’élargir notre conception du monde. Le premier titre que nous avons choisi dans cette ligne et qui figure dores et déjà au catalogue du nouveau Pygmalion est Le don d’ailleurs de Geneviève Delpech. Bien loin d’être juste le témoignage d’une “femme de”, c’est par ce biais que Geneviève Delpech a choisi de révéler son don. Sans aucun pathos, Geneviève propose d’aider les lecteurs à s’ouvrir à une dimension spirituelle.Nous avons également choisi d’inscrire dans ce nouveau catalogue le Dictionnaire des cons et autres génies de Samir Bouadi et Agathe Colombier-Hochberg, un ouvrage déculpabilisant, un autre de nos mots d’ordre. Le livre est un hommage à des grands personnages tenant une place importante dans notre histoire, des hommes responsables de grandes choses, ceux que l’on appelle des “génies”. Ce petit dictionnaire a pour mission de montrer aux lecteurs que même ces illustres personnages ont tous connu un moment d’égarement. Bien sûr, le but de la démarche est de faire rire. Un lecteur qui rit est un lecteur qui s’évade et c’est exactement ce à quoi nous aspirons chez Pygmalion.Pour ce qui est de la fiction, les objectifs sont identiques, même si les parutions seront sans doute plus variées. En effet, un livre qui fait du bien peut prendre la forme d’une intrigue, d’une romance érotique et encore mille autres aspects ! Beaucoup d’auteurs français figureront à notre catalogue.
Chacun de nos auteurs a une plume et un univers propre, c’est ce talent que nous souhaitons exposer.
Prenons en exemple La mort est une femme comme les autres de Marie Pavlenko. Il s’agit de son premier roman adulte dans lequel se révèle toute la force de son talent. C’est une comédie sociale sur un sujet d’actualité mais traité avec beaucoup d’humour et d’esprit. Une véritable bouffée d’air dans le contexte actuel…En quelques mots, la Mort est une femme et fait un burn out. Plus personne ne meurt et le chaos approche peu à peu. C’est alors qu’elle rencontre Suzie, une jeune malade, qui va lui prouver que l’humanité n’est pas aussi sombre qu’elle le pense.
Portez-vous un regard particulier sur les premiers romans ?
Nous avons pris le parti de réduire le nombre de parutions de la maison à 25 titres par an, afin de pouvoir mieux nous concentrer sur chacun d’entre eux. Nous ne sommes pas fermés aux premiers romans mais nos auteurs sont nombreux à avoir déjà une solide expérience.
Vous avez choisi d’associer le nouveau Pygmalion à la littérature glamour. Pourquoi ce choix ?
La littérature au féminin est un genre littéraire définitivement à la mode ces derniers temps et en particulier la romance ! La romance érotique a récemment réussi à conquérir un nouveau public et davantage de lecteurs. Ce genre n’est évidemment pas nouveau, il est publié depuis longtemps, mais il touche simplement aujourd’hui un public différent et plus vaste. Ce type de lecture permet de s’évader, c’est indéniable, et c’est pourquoi des titres de ce genre figureront également au catalogue de Pygmalion. Soyons honnêtes, nous affectionnons la romance, quel que soit son genre !
Actuellement, notre catalogue propose un titre novateur dans ce genre, Captive in the dark de CJ Roberts, un roman que je trouve très audacieux ! Auto édité aux États-Unis, l’ouvrage a progressivement atteint le statut de référence. Plus dérangeant qu’un simple ouvrage érotique, ce style de roman n’est pas à mettre en toutes les mains car c’est dans le traitement psychologique que réside la violence la plus dure. L’auteur maîtrise tellement l’exercice que le livre est complètement addictif ! En quelques mots, une jeune femme de 18 ans est kidnappée afin d’être vendue comme objet du commerce sexuel. Son ravisseur veut l’utiliser pour une vengeance personnelle. Contre toute attente, il va s’attacher à elle et elle, à lui. L’auteur opère avec brio ce renversement du pouvoir… L’ouvrage est un bijou. Pour moi, il va beaucoup plus loin que 50 nuances de Grey et révèle l’inimitable talent de l’auteur à décrire la psychologie de ses personnages.La grande nouveauté du nouveau Pygmalion c’est votre arrivée sur les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix?
Les réseaux sociaux constituent un outil de communication absolument indispensable aujourd’hui. Il aurait été vraiment dommage de nous en priver plus longtemps. L’interaction permise par ces réseaux est absolument essentielle. Cet échange constant avec les lecteurs permet aux structures comme la nôtre de ne pas rester centrés sur nous-mêmes et de pouvoir prendre directement en compte ce que pense notre public. Il faut dire que l’ancien catalogue se prêtait moins à ce genre d’échanges. Ce que nous avons décidé de publier aujourd’hui s’adresse à une cible un peu plus jeune que les réseaux nous permettent d’atteindre facilement et surtout de comprendre avec davantage de facilité.
L’autre aspect positif des réseaux sociaux est la transparence qu’ils permettent. Au lancement de Pygmalion sur Facebook, nous avons choisi de miser sur des publications visant à donner un visage humain à l’équipe. Les livres ne sont pas des objets faits pour s’enfermer sur soi-même mais bien au contraire pour créer le partage, ce qu’Internet facilite justement !
Une maison d’édition n’est pas une entité fermée, les gens qui y travaillent sont des lecteurs comme les autres et j’aime pouvoir l’exprimer. Échanger, partager ses ressentis, constituent les grands avantages des réseaux sociaux, d’autant plus que l’édition est un milieu professionnel où joue grandement la subjectivité.
De plus, Pygmalion ne possède pas encore de site dédié, seulement une page sur le site de Flammarion. La création d’un site propre n’est pas encore au programme et, par conséquent, notre seule vitrine est celle-ci.
Quel est votre regard sur le livre numérique ?
Je n’ai absolument rien contre le livre numérique, même si à mes yeux il ne remplacera jamais le livre, le lecteur aimera toujours l’objet « livre ». J’y suis même favorable, d’ailleurs, nos nouveautés paraissent simultanément en numérique. Lorsque les vacances arrivent par exemple, les tablettes sont une excellente solution et ma valise ne s’en porte que mieux ! Bien sûr, à titre personnel je maintiens que la liseuse reste un objet moins sympathique que le livre papier même si elle est plus pratique. En réalité, je vois la lecture numérique comme un mode de lecture différent. Dans notre société actuelle, tout va très vite et les lecteurs cherchent à accélérer leurs démarches culturelles. Les ebooks sont en ce sens liés à notre nouvelle façon de fonctionner : rapides et pratiques.
Plus encore, je ne pense pas que les deux objets soient concurrents, car si un livre est lu en premier lieu sur liseuse, rien n’empêche d’aller ensuite se procurer la version papier pour la conserver ou en faire un cadeau. Je suis très optimiste à ce sujet. L’essentiel à mes yeux reste la lecture, quel que soit son support. Finalement, pratiquée sur tablette, la lecture change simplement de support et pas de nature ! Le numérique m’enthousiasme à sa façon puisqu’il permet de toucher de nouvelles personnes.
Un autre élément vient assurer une certaine pérennité au livre papier : le prix du livre numérique. La loi du prix unique empêche les ebooks de passer la barrière inférieure des 30% du prix du livre papier et c’est pourquoi, pour la majorité des gens, le livre numérique reste encore trop cher pour ce support sur lequel ils sont habitués à bénéficier de réductions. A mes yeux, un pourcentage de lecteurs numériques de l’envergure de celui qui existe actuellement aux États-Unis n’est pas encore possible en France. Ces lecteurs ne représentent qu’une faible part de la population et cela risque de durer encore quelques temps.
Pour terminer, quelle est votre lecture du moment ?
Je viens d’achever la relecture de N’oublie pas mon petit soulier de Gabriel Katz. Un homme chargé de jouer le Père-Noël dans un centre commercial et dont la vie va complètement basculer lorsqu’il rencontre une femme pas comme les autres… La lecture idéale pour me changer les idées !