Note:
Origine : France
Réalisateur : Thomas Bidegain
Distribution : François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne, Ellora Torchia, John C. Reilly…
Genre : Drame
Date de sortie : 25 novembre 2015
Le Pitch :
Alain aime la country. Il se rend d’ailleurs fréquemment à des rassemblements, où il danse et fait de la musique, accompagné des siens. Et c’est justement au terme de l’une de ces fêtes dédiées à la culture américaine, qu’Alain perd la trace de sa fille, Kelly. Se lançant tout de suite à sa recherche, l’homme ne tarde pas à sombrer dans une spirale infernale. Ne voulant pas croire à une simple fugue, il remonte petit à petit un réseau quitte à se perdre lui-même en chemin, ainsi que son couple, durement touché par cette terrible épreuve. Seul Kid, son fils, le suit sans discuter, assistant impuissant à sa chute…
La Critique :
Tout d’abord, disons-le tout net : il fallait une belle paire de cojones pour maintenir la sortie d’un film comme Les Cowboys, après les tragiques événements qui ont secoué le pays. D’autres, pourtant portés par un sujet beaucoup moins concerné, comme Jane Got A Gun, le western avec Natalie Portman, ont fait marche arrière, probablement pour de très bonnes raisons, mais Les Cowboys n’a pas reculé, s’ancrant malgré lui dans un contexte douloureux, lui conférant une pertinence accrue.
En parlant de pertinence néanmoins, il faut également souligner que le long-métrage n’avait pas besoin de cela pour en avoir. Il se trouve juste que les circonstances ont contribué à faire de son discours une sorte d’extension à l’actualité.
Scénariste bien connu dans l’Hexagone pour avoir travaillé sur de nombreux films, tels Dheepan, La Famille Bélier, Saint Laurent, De Rouille et d’Os, ou encore Un Prophète, Thomas Bidegain a souhaité passer à la réalisation. Pour se faire, il a donc choisi de situer son récit dans la communauté country, tout en imaginant une sorte de remake du Hardcore de Paul Schrader, dans le lequel un père recherchait sa fille disparue dans les méandres des snuff movies.
Nous voici ainsi aux côtés d’un homme, fervent amateur de danse country et autres airs estampillés « cowboys », confronté au départ brutal de son aînée. Incarné par François Damiens, le père en question ne lâche rien et met, à partir de cet événement particulier, toute sa vie entre parenthèses. Le film raconte son combat pour retrouver son enfant…
Si il est crucial d’évoquer l’impact des Cowboys à l’heure actuelle, c’est que le récit évoque très largement la montée en puissance de l’Islam radical et des dérives d’un certain fanatisme, aujourd’hui à la Une de tous les médias. Tombé sous le charme d’un homme pour lequel elle coupe les ponts avec les siens, Kelly, la fille d’Alain, est partie d’elle-même. Son père de son côté, pense qu’on l’a kidnappée. Lui est le cowboy, et les responsables du départ de son enfant, les indiens.
Forcément, alors que le film débute dans les années 90, rien ne laisse présager l’ampleur du mouvement dans lequel la fille vient de mettre les pieds. À l’échelle du personnage interprété par François Damiens, il s’agit juste de retrouver une personne disparue, mais à l’échelle du film, il s’agit de projeter des gens comme les autres dans un monde qu’ils ne comprennent plus, d’autant que les circonstances les placent au centre d’une dynamique particulière retorse.
Trop parler des Cowboys revient à risquer d’en dévoiler la trame et franchement, ce serait regrettable. Non pas que l’on soit ici dans une histoire à rebondissements, mais la force évocatrice du discours vient en partie de sa construction particulière et de la façon dont il rattache les wagons avec des considérations qui finissent par sonner avec une universalité en somme toute impressionnante. Écrit à grand renfort d’ellipses très audacieuses et pertinentes, le long-métrage construit une émotion croissante aussi fédératrice que surprenante, car allant bien au-delà de son simple postulat.
En chef de file, François Damiens, ici en une sorte de déclinaison contemporaine de John Wayne, très impressionnant, charismatique et sobre, tient son meilleur rôle. On savait les acteurs comiques capables d’aller puiser dans leur part d’ombre pour livrer des performances souvent excellentes, mais ici, le phénomène est particulièrement flagrant. Touchant, dur, complexe, son personnage bénéficie de sa sensibilité hors norme. Parfait, il habite Les Cowboys avec la prestance des grands. À ses côtés, le jeune et remarquable lui aussi, Finnegan Oldfield, fait office de véritable révélation, même si il n’en est pas à son coup d’essai. Naturel, sans forcer le trait, avec une belle économie de mots et une tendance à traduire des émotions complexes et parfois ambiguës par la seule force du regard, il est impeccable. Un acteur amené à côtoyer l’américain John C. Reilly, dont la présence dans un film français surprend et qui, avec tout le talent qu’on lui connaît, apporte beaucoup à la dynamique d’ensemble. Même sentence pour la totalité d’un casting très juste.
Superbement éclairé, baigné dans une variété de paysages mettant bien en exergue les différentes thématiques et autres oppositions soulignées par le scénario, Les Cowboys fait partie de ces œuvres qui restent en tête un long moment après la projection. Il interroge et bouleverse. Il prend aux tripes, sans manichéisme, tout en se gardant bien de mettre en avant des jugements hâtifs. Pour son premier essai derrière la caméra, Thomas Bidegain a fait très fort. Sur le fond et sur la forme, tout dénote d’un grand savoir-faire et d’une sensibilité à fleur de peau parfaitement canalisée. Les Cowboys touche en plein cœur et s’impose d’une certaine façon, avec son titre, très intelligent à plus d’un titre, comme un authentique western moderne. Dans le jargon, on appelle ça un chef-d’œuvre.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Pathé