La récente conférence initiée par l’ANIT, concernant le développement touristique en Turquie sous le thème « Analyse d’une success story et enseignements pour le Maroc » a drainé un parterre de professionnels tant du secteur privé que du secteur public.
Deux générations parmi les intervenants turcs, ceux qui ont été à l’initiative de la vision et ceux qui ont eu à jouer la continuité du modèle en introduisant des doses d’innovation en matière de produits et surtout en approche marketing différenciée.
La stratégie a évolué au fil des années passant d’un tourisme de masse dirigé vers les méga stations balnéaires à un tourisme de niche mettant en valeur la diversité des paysages et la richesse du patrimoine. Les ottomans ont dominé une partie du monde jusqu’à une époque assez récente et on retrouve cette envie de conquête aujourd’hui dans leur méthode de pénétration des marchés qu’ils veulent maitriser en amont et en aval. Ils n’essayent pas de répondre à une demande, ils créent la demande.
Si on doit parler de résilience face à la conjoncture, je pense que ce terme est plus adapté à la Turquie qu’au Maroc. Voilà une destination qui se trouve dans l’œil du cyclone au Moyen Orient, qui est elle même empêtrée dans la question Kurde depuis des décennies et qui se permet une croissance insolente en matière de tourisme. Passer de 9M de touristes en 1998 à prêt de 40M en 2015 n’est pas l’effet du hasard, mais de la mise en œuvre d’une stratégie qui a su fédérer public et privé, garder le tourisme comme secteur prioritaire en lui donnant toutes les chances de réussir avec un accès au foncier, le développement d’infrastructures, une fiscalité adaptée et incitative, une compagnie aérienne nationale dédiée au Tourisme, plusieurs compagnies aériennes régionales et un ciel ouvert et maitrisé.
Les operateurs turcs mettent également les moyens et sont très organisés avec des associations professionnelles qui pèsent de tout leur poids dans la prise de décision. Le secteur est incontournable et tous les métiers y sont représentés de manière efficiente. L’organigramme du tourisme turque est parlant : le parfait équilibre des forces est la clé de la réussite.
Si on revient on Maroc, on constate une prédisposition au tourisme qui ne date pas d’hier puisque dans deux ans nous allons fêter le centenaire de l’ONMT. Les prémices d’une volonté touristique ont été affichées dés les années 70 avec un parc hôtelier public sous enseignes DIAFA, MAROC TOURIST et ONCF mettant en avant deux circuits touristiques : Les villes impériales et le grand sud Marocain. Une station balnéaire issue de la reconstruction d’Agadir et une porte d’entrée célèbre : Tanger. Marrakech existait en tant que ville étape pour des touristes arrivant de Tanger, Casablanca ou Agadir.
Le Ministère du tourisme existe depuis 1956, soit au lendemain de l’indépendance, et le tourisme a toujours figuré parmi les secteurs à même de créer de la croissance au Maroc. Plusieurs plans triennaux et quinquennaux ont été mis en place et exécutés avec plus ou moins de succès. Il serait malhonnête de dire que l’état n’as pas contribué au développement du tourisme, il en été l’initiateur en créant des organismes dédiés à cela, la SONABA en 1973 , ancêtre de notre SMIT actuelle , avait pour objectif majeur le développement de la baie d’Agadir.
Le secteur public a commencé à investir dans le tourisme à la même période, avec des facilités et un accès au crédit à des taux très avantageux. Le CIH a été crée pour accompagner le tourisme avec « le succès » qu’on lui connaît aujourd’hui.
Tout était à faire avec très peu de moyens, pas de bus touristiques, un réseau routier à entretenir, peu de dessertes aériennes, manque de personnel qualifié en restauration, hôtellerie, agents de voyages, guides etc….Le seul système qui fonctionnait était le système D et l’improvisation de bout de bout. Et cela marchait avec des professionnels passionnés, convaincus et convaincants.
Jamais les associations n’ont aussi bien fonctionné qu’au début de ces années là : de véritables laboratoires d’idées et une vraie force de proposition aussi bien à l’échelon local qu’à l’échelon National.
Si je peux utiliser une métaphore, je dirais que dans la course au tourisme, nous avions pris plus d’élan que les turcs mais nous n’avons pas tenu la distance.
La vision 2010 est venue en fait pour rattraper notre retard et nous doter d’un produit balnéaire qui faisait défaut. Nous voulions absolument étoffer notre offre et nous inscrire dans la cour des grandes destinations balnéaires, convaincus que le tourisme c’est avant tout les plages et le soleil.
Pour drainer les charters de touristes, il fallait la capacité litière, la fameuse masse critique pour faire comme les Canariens, les Egyptiens et aussi les Turcs. Nous avons alors opté pour le Plan Azur, six stations nouvelle génération, respectueuses de l’environnement et couvrant tout le littoral national Méditerranée et Océan Atlantique. Un chantier titanesque, ambitieux, volontariste mais hélas irréalisable. Nous avons péché par excès de confiance en notre produit qui allait attirer les investisseurs de tous bords. Le tourisme, que dis je ? Le Maroc allait enfin avoir ses grands travaux. Après la politique des barrages, c’est la politique des stations balnéaires. Qui pouvait dire le contraire ? PERSONNE.
Puis il a fallut se rendre à l’évidence et corriger ce qui pouvait l’être, je passe sur le naufrage de Fadessa, l’illusion de Dallah Al Baraka et le mirage de Colony Capital. On a fait appel aux champions nationaux pour terminer ou entamer ce qui peut l’être, sauf que nos champions, ce n’est pas leur métier, ils sont plus dans l’immobilier que dans le resort touristique. La suite tout le monde la connaît, et nous attendons tous avec impatience le résultat de l’étude que le Ministère du Tourisme compte lancer pour faire le point sur la vision 2020.
Aujourd’hui, nous comme les Turcs, devrions montrer notre résilience aux évènements qui secouent le Monde. Nous avons beau être à des milliers de kilomètres de la zone de turbulences et eux en plein dedans, nous sommes face à une crise qui ne dit pas son nom, qui finira par passer, comme toutes les autres, mais en laissant des traces.
Qui des deux se relèvera le premier ?