Le dimanche 15 novembre dernier, pendant ce weekend forcément terrible qui a suivi les attentats de Paris, nous sommes quand même allés, Michel et moi, à notre traditionnel rendez vous du ciné brunch du Comoedia, une des rares manifestations culturelles qui était maintenu, et même si l’ambiance était forcément particulière, nous n’avons que pu apprécier le film surprise qui y était projeté.
Ce film c’est Mia Madre le nouveau film de Nanni Morettiqui sort en salles demain, et j’avoue que j’avais pris le pari avant la séance que ce soit lui le film surprise tant ce nouveau long métrage de Moretti qui a dans l’ensemble énormément plu aux festivaliers lors de sa présentation en compétition officielle avait tout pour plaire aux spectateurs du Comoedia.
Il faut dire que le nouveau Moretti est un très grand et très beau film, qui arrive à concilier comme rarement cinéma d’auteur intelligent exigeant et cinéma populaire accessible et émouvant, contrairement à d’autres films sur le douloureux sujet de la maladie d’une personne âgée, comme le " Amour" d’Haneke (que le jury cannois présidé par Moretti avait primé, bien que celui ci ne l'aurait pas défendu), d’un abord bien plus froid et austère.
Mia madre est construit autour de la vie de Margherita (la vraiment formidable et méconnue en France Margherita Buy), et de sa sphère à la fois professionnelle et intime puisque cette cinéaste qui est en train de tourner un film avec une vedette américaine capricieuse (l’hilarant John Turturro), est également en train de perdre sa mère qui s’éteint peu à peu.
Car plus que la peur de perdre le contrôle de son film, c’est la lente mais cruelle agonie de sa mère qu’elle ne peut accepter, redoutant terriblement le jour de l’au revoir impossible.
Mia Madre va ainsi enchaîner dans un montage d’une apparente simplicité,mais d’une belle émotion les scènes de tournage et celles de veille à l’hôpital, dans lesquelles Margaritha va elle-même se chercher et tenter d’échapper à l’inéluctable disparition de sa mère. mais sans réussir à cacher son désarroi devant l’affaiblissement et les pertes de mémoire de cette dernière.
Il faut savoir que Nanni Moretti, au moment du tournage de Mia Madre, était lui-même en train de perdre sa mère et quecela donne au film un côté terriblement intime et poignant, loin de la froideur qu’on aurait pu craindre et qui est parfois le lot des films en compétition officielle sur la croisette.
Basculant avec une belle aisance, comme seules les grandes comédies dramatiques savent le faire,entre rire et émotion, le Mia Madre de Moretti qui propose une projection de l’auteur italien dans la peau d’un alter ego féminin, brasse avecbeaucoup de subtilité et de classe quelques thématiques déjà apparues dans sa filmographie, en mêlant comme il sait le faire, imaginaire et éléments autobiographiques.
Après "La Chambre du fils", le cinéaste italiens’empare à nouveau du deuil, mais alors que dans la Palme d'Or 2011, il exorcisait une peur terrible, celle de perdre un enfant, ici il aborde une expérience plus commune, la mort d’une mère, étape importante d’une vie, qui, aussi obligée soit elle, n’en est pas moins profondément douloureux.
Moretti ausculte cette épreuve une maestria qui touche au cœur et qui fait de chaque plan une tranche de vie à l’émotion si palpable empreint d’une grande pudeur et d'une belle sensibilité.
On apprécie notamment la belle utilisation du cinéaste des scènes oniriques et de certains délicatsretours en arrière qui dessinent sans jamaisla souligner la relation de Marguerita avec sa mère. Ainsi sur un sujet souvent rebattu, Moretti arrive à traiter son récit fr manière non académique,tout en rendant son sujet profondément accessible et universel pour le spectateur.
Composée de trois beaux portraits de femmes de trois générations différents, ce Mia Madre, rempli de belles interrogations sur le sens de notre vie les vraies questions sur le sens à donner à sa vie est assurément un des plus beaux films de Cannes 2015 que j’ai pu voir jusqu’à présent- même s’il en reste3-4 à voir- … il semble donc assez incroyable que le jury de Cannes ait pu le rater..…