- Délits d'Opinion : Après les attentats, constate-t-on un réflexe d'union nationale ?
Jean-Daniel Lévy : L'union nationale se construit, en France, lors de grands moments d'émotion. Qu'il s'agisse d'instants heureux - comme la victoire de l'équipe de France de football en 1998 - comme malheureux - comme ceux que nous venons de vivre. La France, pays politique, regarde la tête de l'Etat dans ces circonstances. En 1998, on se souvient de pics de confiance exprimés à l'égard de l'exécutif quand bien même nous étions, à cette époque-là, en cohabitation.
Aujourd'hui, la confiance à l'égard tant du Président que du Premier ministre progresse de 7 points. Remarquons que si François Hollande retrouve un niveau de confiance équivalent à celui de janvier dernier (31%), Manuel Valls voit la sienne se situer à niveau 5 points en dessous (41%). On pourrait probablement parler d'union nationale si nous étions confrontés à une confiance majoritaire (ce qui n'est pas le cas), moins clivée politiquement et touchant également les autres acteurs.
Nous pouvons constater que la confiance en François Hollande aujourd'hui tient essentiellement aux sympathisants socialistes (87%) tandis que la confiance parmi les personnes proches des " Républicains " ne se situe qu'à 5%. Surtout, chez ces derniers, on ne constate aucune évolution depuis le mois dernier. De même, si l'on observe la confiance exprimée à l'égard de Nicolas Sarkozy (29% au global), celle-ci se situe à 81% au sein des sympathisants de sa famille politique, mais elle n'est que de 3% parmi les proches du PS. De même pour Marine Le Pen : 24% chez l'ensemble des Français, 92% au sein de son camp, 24% chez les sympathisants LR et... 3% chez ceux du Parti Socialiste.
- Délits d'Opinion : Le Président de la République paraît-il à la hauteur ? Et dans quelle mesure sa gestion de la crise efface-t-elle la défiance des 3 dernières années ?
Jean-Daniel Lévy : Lorsque l'on regarde la confiance envers le Président de la République, on constate qu'elle a baissé dans toutes les catégories de population depuis mai 2012. Pour s'en tenir aux seules caractéristiques politiques : -13 chez les sympathisants PS, -61 au Front de Gauche, -11 au FN. L'émotion liée aux attentats n'a pas fait taire les critiques sur le fond et notamment sur la politique menée. L'objet du baromètre n'est pas de regarder la gestion de la crise en elle-même. Reste que les Français sont invités à motiver leurs jugements. Ainsi, les personnes qui expriment leur confiance dans le Président ou le Premier ministre semblent avoir apprécié déjà la " bonne gestion ", " les bonnes initiatives " prises suite à ces attentats, notamment en matière de sécurité. " Initiatives après les attentats, plutôt bonne réaction même si décisions trop tardives ", " Bonne maîtrise des situations de crise ", " Il a pris en main tous les éléments de sécurité nécessaires dans ces drames ", " Politique ferme et sécuritaire ". Également le " calme ", le " sang-froid " du couple exécutif face à cette " situation d'urgence " ou cette " situation de crise ". Pour eux, ils ont su se montrer à la hauteur de ces événements. " François Hollande est une personne modérée, qui, face à des événements graves, sait prendre des décisions graves. C'est une personne responsable. " Enfin, la position du Président de la République sur la scène internationale dans le cadre de la réaction post-attentats apparait appropriée. " Il sait rebondir devant l'horreur. Il ne parle pas beaucoup, mais ses paroles sont justement placées. Son action actuelle vis avis des autres Etats est tout à fait remarquable (y compris auprès de Poutine). Seul but pour lui: liquider l'EI. "
- Délits d'Opinion : Dans l'opposition, quelles figures répondent le mieux aux attentes des Français après les attentats ?
Jean-Daniel Lévy : On ne peut affirmer qu'il existe une relation totale de cause à effet. L'ordre global n'est pas modifié : confiance en premier lieu envers Alain Juppé (50%) et François Bayrou (36%). Remarquons, tout de même, la très forte progression de Nicolas Sarkozy (29%, +7 points). Deux types d'explications peuvent être apportés : soit ce sont ses propos implicitement critiques à l'égard de l'exécutif qui lui sont favorables. Soit la posture d'ancien Président de la République qui le conforte. L'analyse des évolutions selon la proximité partisane nous fait pencher vers la première option : 42% de confiance à l'UDI (+15), 81% chez " Les Républicains " (+14), 40% au FN (également +14). A l'issue de cette séquence, la confiance en l'ancien Président de la part des sympathisants " Les Républicains " est plus nette que celle exprimée à l'égard d'Alain Juppé (81% contre 70%, 11 points de différence).
- Délits d'Opinion : Et le FN voit-il son audience grandir après ce drame ?
Jean-Daniel Lévy : Marine Le Pen et Marion Maréchal Le Pen (24% toutes deux) voient la confiance à leur égard progresser de respectivement 2 et 4 points. La Présidente du Front National voit une frange électorale se déplaçant plus que les autres lors des scrutins, les personnes âgées de 50 ans et plus, lui faire plus confiance qu'en octobre (+7). Marion Maréchal Le Pen quant à elle couvre un champ un peu plus au centre, et ce quand bien même elle tiendrait des propos souvent considérés comme plus extrémistes ou droitiers.
Rappelons-nous cependant que l'opinion ne fait pas le vote. Et que l'on peut apprécier différentes personnes. Le jour du scrutin on ne peut choisir, en l'espèce, qu'une seule liste. Si l'on prend le temps de se déplacer pour aller voter.
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Enquête réalisée en ligne du 24 au 26 novembre 2015. Echantillon de 1005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l'interviewé(e).