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Publié le 27/11/2015 par Jean-Bernard GillesInquiètes quant à la pérennité du projet, les banques refusent de débloquer les 50 derniers millions d'euros, nécessaires pour achever la ligne à grande vitesse. Est-ce un coup de "bluff" ? Quelles sont les solutions ?
L'Etat est mis au pied du mur face au bras de fer entre SNCF et Lisea© ARCHIVES ANNE LACAUDC'est le dernier acte, décisif, d'une partie de poker menteur entre la SNCF et Lisea sur le nombre de TGV qui feront l'aller-retour entre Paris et Bordeaux à compter de l'été 2017. Les banques qui financent, à hauteur de 3 milliards d'euros, l'investissement colossal réalisé par la filiale de Vinci pour construire la ligne Tours-Bordeaux n'honoreront pas l'échéance de novembre. Il s'agit, selon nos informations, d'une cinquantaine de millions d'euros.La question de la poursuite des travaux est clairement posée. Les bailleurs de fonds qui avancent l'argent ne sont
pas convaincus du compte d'exploitation prévisionnel présenté par Lisea.Renégocier le nombre de péages
La seule manière pour le concessionnaire de rembourser cette dette XXL est de percevoir le maximum de péages qui seront payés pendant cinquante ans par les utilisateurs de la ligne, en l'occurrence la seule SNCF. Or, Lisea ne parvient pas à s'entendre avec l'entreprise publique sur le nombre de trains qui emprunteront la ligne. L
'entreprise ferroviaire est la seule à décider alors que ses comptes sont toujours plombés par un déficit d'exploitation et une dette elle-même abyssale, dix fois supérieure à la somme prêtée à Lisea. On retrouve, parmi les banques qui ont dit stop en début de semaine, des établissements espagnols et italiens mais surtout des banques françaises, au premier rang desquelles la Société générale, BNP Paribas et le Crédit agricole.
Sur le même sujet : Le Lot-et-Garonne, futur leader du gaz vert en France ?Pour équilibrer ses comptes à venir, c'est-à-dire rembourser ses emprunts et assurer la maintenance, une fois la ligne à grande vitesse en service entre Paris et Bordeaux,
Lisea a besoin de 19 allers-retours quotidiens. Ce qui lui procurerait un revenu, par les péages, de l'ordre de 250 millions d'euros annuels environ. La première proposition de la SNCF, il y a quelques mois, était de 13 allers-retours. Inacceptable pour Lisea et pour les villes de la région, qui avant elle ont aussi payé pour cet investissement.
Qui va gagner le bras de fer entre SNCF et Lisea ?
Grâce à l'entremise de Jean Auroux, mandaté pour une mission de conciliation, et à la suite de la médiation du ministre des Transports, Alain Vidalies,
le curseur a été remonté à 16,5 trains directs par jour entre Bordeaux et Paris. Et encore, dans cette proposition, la SNCF inclut des trains qui ne roulent pas toute l'année. Avec cette cadence, Lisea ne peut présenter à ses créanciers que 210 millions d'euros de recettes annuelles. On est loin de l'équilibre.C'est à ce duel à fleurets mouchetés que les bailleurs de fonds du plus gros investissement ferroviaire de la décennie en Europe ont décidé de mettre fin. Un coup de semonce en forme d'avertissement direct à Guillaume Pepy, le président de la SNCF, qui n'a cessé de dire depuis des mois que Lisea bluffait. Déjà, au mois d'octobre dernier, les banques avaient renâclé à honorer l'appel de fonds. La négociation entre Lisea et la SNCF n'a pas avancé d'un poil depuis. Les deux cultures - privée pour Lisea, publique pour la SNCF - semblent incompatibles, et les deux patrons,
Guillaume Pepy et Laurent Cavrois, ne s'apprécient guère.L'Etat au pied du mur
Cette décision, qui pourrait être lourde de conséquences pour le bon achèvement des travaux, est aussi un appel à
l'État à taper du poing sur la table. Il y aurait intérêt, car le contrat de concession signé par Lisea et Réseau ferré de France à l'époque (aujourd'hui retourné dans le giron du groupe SNCF) prévoit qu'
il garantira la dette de Lisea à hauteur de 80 %. Les financiers ne cachent pas leur intention de faire jouer si besoin ces garanties.Le gouvernement se serait bien passé de cet épisode conflictuel. Il va devoir hausser le ton pour appeler les deux parties à s'entendre. Force est de constater que Lisea joue à livre ouvert tandis que les finances de la SNCF sont tellement compliquées, que même la Cour des comptes n'y retrouve pas ses petits. Ni la SNCF ni Lisea n'ont voulu donner suite, hier, à nos sollicitations. Le sujet ne manquera sans doute pas d'animer les derniers jours de la campagne des élections régionales, en Aquitaine et Poitou-Charentes.http://www.sudouest.fr/2015/11/27/la-lgv-tours-bordeaux-sera-t-elle-rentable-2199537-705.php