Le Bourget s'est transformé en tour de Babel et Paris devient la capitale du monde. Réunion hors norme et enjeu colossal. Plus de 150 chefs d'État et de gouvernement lancent lundi 30 novembre 2015 la 21e conférence climatique de l'ONU. Elle est censée accoucher d'un accord historique contre un réchauffement planétaire aux conséquences de plus en plus inquiétantes.
Dans le parc d'expositions du Bourget (nord de Paris), transformé en forteresse après les attentats djihadistes du 13 novembre - les plus meurtriers jamais commis en France -, l'Américain Barack Obama, le Chinois Xi Jinping, le Russe Vladimir Poutine, l'Indien Narendra Modi et leurs homologues du monde entier seront accueillis par le président français François Hollande et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, protégés par 2 800 policiers et militaires. Une minute de silence sera observée, à l'ouverture d'une cérémonie vers 10 heures GMT (11 heures locales), à la mémoire des victimes des attentats de Paris, qui ont fait 130 morts.
Dimanche, plusieurs dirigeants sont venus se recueillir devant le Bataclan, salle de spectacle parisienne où a été perpétré le plus meurtrier des attentats du 13 novembre (90 tués). La présidente du Chili Michelle Bachelet y a déposé une gerbe de fleurs à la mi-journée, comme le Premier ministre japonais dans la soirée, qui a exprimé "le fort sentiment de solidarité" de son pays. "Chacun des nombreux bouquets qui ont été déposés ici porte en lui beaucoup de tristesse. Mais, dans le même temps, j'ai eu le sentiment que ces bouquets exprimaient aussi un voeu sincère pour la paix et la liberté", a-t-il ajouté. À peine arrivé en France, Barack Obama y a rejoint François Hollande dans la nuit. Les deux hommes se sont recueillis en silence.
Après un week-end marqué par plus de 2 000 marches dans le monde demandant "un accord climatique fort", ternies à Paris par des échauffourées, les dirigeants vont s'exprimer à tour de rôle - pendant 3 minutes maximum - sur l'engagement de leur pays. Les superlatifs ne manquent pas pour cette "COP21", qui accueillera 10 000 délégués et autant d'observateurs et de journalistes : la plus grande conférence climat, la plus grande concentration de chefs d'État réunis par l'ONU hors son assemblée annuelle, la plus grande réunion diplomatique jamais organisée en France...
Objectif de ces deux semaines : élaborer le premier accord engageant l'ensemble de la communauté internationale à réduire ses émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement global à + 2°C par rapport à l'ère préindustrielle. Le constat est établi : le monde se réchauffe, sous l'effet des émissions issues de la combustion des énergies fossiles, mais aussi des modes de production agricole et d'une déforestation chaque année plus intense. Du Pakistan aux îles du Pacifique, de la Californie aux vignobles du Bordelais en France, le climat déréglé bouleverse des régions entières : sécheresses, côtes grignotées par la mer, récifs coralliens rongés par l'acidification des océans...
Au-delà de + 2°C, les scientifiques redoutent un emballement créant un monde toujours plus hostile : cyclones à répétition, chute des rendements agricoles, submersion de territoires de New York (États-Unis) à Bombay (Inde)... En vue de la conférence de Paris, 183 pays (sur 195) ont publié des plans de réduction de leurs émissions, une participation inespérée qui place cependant encore le monde sur une trajectoire de + 3°C.Le sommet, à l'invitation de la France, vise à donner une "impulsion politique" à un processus de négociations qui reste difficile et incertain, tant cette question touche aux fondements des économies et du développement. La "présence massive (des dirigeants) témoigne de l'urgence d'agir", estime le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, qui sera élu lundi président de la COP et se dit "d'un optimisme vigilant et actif". Barack Obama a indiqué être "optimiste sur ce que nous pouvons accomplir".
Alors que les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record en 2014, les négociations s'annoncent ardues. Tous les pays ont leurs "lignes rouges" qu'ils ne voudront pas franchir, les pays du Sud par exemple appelant le Nord, responsable historique du réchauffement, à honorer ses promesses financières. Pressés d'avancer sur le projet d'accord, les négociateurs, qui ont repris leurs travaux dimanche, devaient se retrouver dès lundi soir.
Cette journée devrait aussi être rythmée par de nombreuses rencontres bilatérales, au-delà du climat. Sur fond de conflit syrien, le président turc Recep Tayyip Erdogan a dit vouloir rencontrer son homologue russe Vladimir Poutine, après que l'aviation turque a abattu, mardi, un bombardier russe. Des bilatérales, "il y en aura certainement beaucoup", selon M. Fabius : "Toutes ces personnes (...) saisiront cette occasion pour se voir." La capitale française vivra aussi à l'heure de la COP21, soumise à des restrictions de circulation et surveillée par 6 300 membres policiers et militaires. Les habitants ont été appelés à rester chez eux, par crainte d'un engorgement des transports publics.
Journal Le Point