[Digiworld Summit] SEB : « Nous ne connectons les objets que si cela fait bénéficier l’utilisateur d’un service plus innovant. »

Publié le 30 novembre 2015 par Pnordey @latelier

A l’occasion du Digiworld Summit, Xavier Boidevezi revient sur la stratégie digitale de SEB. Le groupe serait-il le futur chef de cuisine connectée ?

SEB souhaite se positionner comme un acteur majeur de la cuisine connectée. Après le robot multicuiseur Cookeo, c’est à un autre best-seller de la marque de devenir intelligent : la friteuse Actifry, qui existait déjà en mode non connecté et qui devient « Smart XL » en 2015. Pour l’instant, une liaison Bluetooth permet à l’appareil de communiquer avec une application mobile gratuite, grâce à laquelle son propriétaire peut programmer l’une des 200 recettes qui y sont proposées et contrôler à distance la cuisson.

Demain, nos cuisines seront-elles entièrement connectées grâce à SEB ? Rencontré dans le cadre du Digiworld Summit 2015, Xavier Boidevezi, Vice-Président Business Development & Digital chez SEB, répond à nos questions. 

L’Atelier : Un robot multitâche l’an dernier, aujourd’hui une friteuse : tous les objets gagnent-ils à devenir connectés ?

Xavier Boidevezi : En connectant certains de nos produits seulement, nous nous sommes demandé quels bénéfices nous souhaitons apporter à nos clients. Dès le départ, nos produits doivent être utiles aux consommateurs, et la connexion ne doit servir qu’à amplifier ce bénéfice, elle n’est pas un avantage en soi. Dans notre industrie, il y a quelques années, on achetait un simple produit. Aujourd’hui, c’est une garantie de résultat, une assistance que l’on achète. Nous ne connectons les appareils de cuisine que si cela fait bénéficier l’utilisateur d’un nouveau service, plus innovant.

Les fonctionnalités de vos appareils connectés restent assez simples : recettes intégrées, gestion de la cuisson, etc. Est-ce une volonté stratégique de votre part de ne pas mettre des objets intelligents trop complexes trop tôt sur le marché ?

Face à ces nouveaux produits intelligents, il va falloir avant tout changer les habitudes et les usages des consommateurs, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain. Selon moi, c’est ce qu’il y a de plus compliqué. C’est pourquoi il faut commencer par un produit connecté aux options presque intuitives, pertinentes, puis l’enrichir au fur et à mesure.

Incorporer des recettes à un appareil de cuisine, cela correspond aux attentes minimales des consommateurs, c’est une première étape. Mais demain, nous voulons intégrer de nouveaux services à l’objet, interconnecter les appareils et apporter toujours plus de valeur ajoutée. Par exemple, on pourrait proposer des menus quotidiens personnalisés, comme un véritable coaching nutritionnel pour quelqu’un qui préparerait un marathon. On peut imaginer toute une multitude de services pertinents et personnalisables grâce à l’interconnexion de différents appareils. Le produit ne bouge pas, mais le service qui l’entoure s’enrichit.

Justement,  la communauté des acheteurs de vos produits prend-elle part à l’enrichissement de ces services connectés, par exemple en partageant de nouvelles recettes ?

Actuellement, nous sommes les seuls à pouvoir enrichir nos objets connectés et à prendre la main sur les protocoles de communication. Nous pouvons améliorer le logiciel en permanence. Par contre, la participation des usagers est une étape sur laquelle nous travaillons déjà. Notre objectif est de devenir une plateforme communautaire, afin que chaque consommateur puisse suggérer ses propres recettes, même si cela présente encore quelques difficultés. En effet, si une recette proposée n’est pas adaptée à l’appareil, elle peut poser problème en matière de sécurité, par exemple si les quantités sont mal dosées et si la cuve déborde. Aujourd’hui, nous réfléchissons donc pour trouver un moyen d’assurer la sécurité de l’utilisateur s’il modifie lui-même l’objet connecté. C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrit notre programme Open Food System.

Les données enregistrées aujourd’hui par vos appareils connectés vous permettent-elles d’en savoir plus sur vos clients ? Quelle valeur marchande pourriez-vous tirer des informations dont vous bénéficiez ?

Ce qui est certain, c’est que nous disposons aujourd’hui d’une donnée potentiellement extrêmement pertinente et qualifiée. SEB est en effet l’un des derniers intervenants dans la cuisine, juste avant que la famille se réunisse autour de la table pour manger. Cette donnée est par exemple bien plus précise que celle que je peux obtenir grâce à un réfrigérateur connecté, qui me dira que tel ou tel produit a été acheté, sans plus de détail sur la façon dont ce produit sera consommé.

Pourtant, je ne suis pas encore en mesure de déterminer avec exactitude qui sont nos clients, s’ils sont plus jeunes ou plus intéressés par les nouvelles technologies que nos consommateurs « habituels ». Par exemple, rien ne me permet aujourd’hui de savoir si les 20% de robots Cookeo Connect vendus en France l’ont été parce qu’ils sont connectés, ou simplement parce que le design de l’objet a évolué entre temps.

Nous sommes donc en train de réfléchir au traitement des informations auxquelles nous avons accès pour en tirer de la valeur, mais nous sommes encore loin d’avoir la réponse. Même si nous avons déjà vendu 30 000 objets connectés, les données que nous collectons restent assez « pauvres » ; au mieux, nous pouvons connaître les recettes préférées des utilisateurs.

L’analyse de données doit donc devenir de plus en plus structurée. Ce faisant, il faut bien sûr respecter le cadre réglementaire fixé par la Cnil lorsqu’il s’agit de données relatives à la santé, comme les informations concernant les habitudes alimentaires des consommateurs.

SEB poursuit les initiatives tournées vers le digital. Le lancement de votre gamme d’appareils connectés pour la cuisine constitue-t-il un virage pour votre groupe, celui de la transformation digitale ?

Dans le domaine de la cuisine connectée, nous sommes en avance. Pourtant, un groupe comme SEB n’était pas nécessairement dimensionné pour concevoir ce genre de produits. Pourquoi ? Tout simplement parce que, dans les grandes entreprises, on ne bénéficie pas de l’agilité d’une start-up. Il faut passer par certaines étapes contraignantes mais cruciales pour mener à  bien un projet, alors que la start-up peut réaliser plusieurs tests et procéder par itération. Chez SEB, nous avons réussi à travailler en petit groupe de gens impliqués et convaincus pour développer nos produits connectés en mode start-up.

Evidemment, des questions se posent encore. Par exemple : a-t-on besoin que nos 20 000 salariés maîtrisent parfaitement les usages du digital ? Au début, nous pensions effectivement qu’il était nécessaire d’achever la transformation digitale du groupe dans son intégralité. Aujourd’hui, je pense que je perdrais sans doute beaucoup de temps à essayer de convaincre l’ensemble des collaborateurs, quand notre expérience sur Actifry Smart XL et Cookeo Connect démontre qu’une dizaine d’experts peut être tout aussi efficace. Ce qui est certain, c’est qu’il faut favoriser la collaboration avec les start-ups en travaillant avec un incubateur ou un accélérateur.