Dans son rapport sur l’état du climat mondial pour la période 2011-2015 qui va servir de base aux négociations lors de la COP21, l’OMM énumère les phénomènes météorologiques extrêmes suscités par le réchauffement global en cours. Il s’agit de la période de cinq ans la plus chaude jamais enregistrée. Les 10 premiers mois de 2015 s’annoncent comme une année record depuis 1881. Avec l’effet El Niño conjugué, nous sommes proche du seuil symbolique de 1 °C de hausse depuis la fin du XIXe siècle. Une autre borne vient d’être franchie cette année, le taux de CO2 dans l’atmosphère : 400 ppm.
A la veille de la grande conférence des Nations unies sur le changement climatique, la COP21, qui se tiendra à Paris et au Bourget du 30 novembre au 11 décembre, l’Organisation météorologique mondiale (l’OMM) vient de publier son rapport sur l’état du climat mondial pour la période 2011-2015 (disponible ici). Établis à partir des informations transmises par les 191 membres de l’organisation, il doit servir de base aux négociations. Il fait état de nombreux phénomènes météorologiques extrêmes influencés par le changement climatique en cours causé par les activités humaines comme le concluent plus de la moitié des 79 études publiées dans le Bulletin of the American Meteorological Society entre 2011 et 2014, citées par l’OMM dans son communiqué de presse. « C’est dans le cas des épisodes de chaleur extrême que cette influence [changements climatiques anthropiques, NDLR] a été la plus systématique, la probabilité qu’ils surviennent ayant été multipliée par 10 voire plus, selon certaines études. »
La période 2011-2015 apparait comme la période de cinq ans la plus chaude jamais enregistrée depuis les premiers relevés de température en 1881 (+ 0,57 °C par rapport à la période de référence 1961–1990). En outre, l’année en cours affiche une température moyenne des océans et des terres émergées records. Pour l’OMM, 2015 devrait franchir le seuil, « aussi symbolique que significatif », de 1 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle. Pour les 10 premiers mois de l’année 2015, d’après les estimations, la température moyenne présente une anomalie positive de 0,73 °C par rapport à la normale calculée pour la période 1961–1990 (14,0 °C), ce qui représente environ 1 °C de plus qu’au cours des années 1880–1899. Pour les mers et les océans, le précédent record de 2014 devrait être égaler ou « pulvériser ». Pour les terres émergées, ce serait aussi un record.
Anomalies de la température moyenne de la période janvier-octobre 2015, d’après le jeu de données HadCRUT.4.4.0.0. Les croix (+) désignent des températures supérieures au 90e percentile, c’est-à-dire anormalement élevées, et les tirets (-) des températures inférieures au 10e percentile, c’est-à-dire anormalement basses. Les grandes croix et les grands tirets correspondent à des températures situées en dehors de la fourchette comprise entre le 2e et le 98e percentile — Crédit image : Centre Hadley du Met Office
Contribution d’El Niño
Le phénomène El Niño apparu ces derniers mois sur la bande équatoriale de l’océan Pacifique n’y est bien sûr pas étranger. Il est désormais annoncé comme différent et plus puissant que l’épisode de 1997. Ses effets sont d’ores et déjà bien visibles et la douceur que nous avons connus ces dernières semaines en Europe y est probablement liée. On ne s’en plaindra peut-être pas, mais ailleurs les conséquences sont bien plus dramatiques : déficit pluviométrique comme récemment en Amérique centrale, aux Caraïbes, au Brésil (bassin de l’Amazone), en Inde avec la mousson (- 14 %), en Indonésie (plus d’incendies, feux de friche), etc. Le Pérou et l’Argentine ont en revanche davantage été frappés par des inondations.
L’OMM rappelle que « les océans ont absorbé plus de 90 % de l’énergie accumulée dans le système climatique du fait des émissions anthropiques de gaz à effet de serre ». Jusqu’à présent, pour 2015, « le contenu thermique des océans a atteint des niveaux record, tant jusqu’à 700 m que jusqu’à 2 000 m de profondeur ». La NOAA, l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère, a d’ailleurs informé que ces températures records « avaient déjà entraîné un blanchissement des coraux dans les trois bassins océaniques du globe ».
En introduction à la présentation de ces résultats, le Secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud a indiqué que « les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint de nouveaux pics : au printemps boréal 2015, pour la première fois, la teneur de l’atmosphère en CO2 a franchi la barre des 400 ppm (parties par million) en moyenne mondiale [un seuil jamais atteint depuis 800 000 ans, NDLR]. La barre des 1 °C de réchauffement sera sans doute franchie, a-t-il ajouté. Tristes nouvelles pour notre planète ! »
Anomalies de la température moyenne annuelle à l’échelle du globe (par rapport à la période 1961–1990) entre 1950 et 2014, correspondant à la moyenne de trois jeux de données sur la température mondiale (HadCRUT.4.4.0.0, GISTEMP et NOAAGlobalTemp). L’anomalie pour 2015 porte sur la période janvier-octobre. Les années à Niño sont signalées en rouge, les années à Niña en bleu et les années « neutres » en gris. Les marges d’incertitude ne sont pas indiquées; elles avoisinent 0,1 °C — Crédit image : Centre Hadley du Met Office
Nombreuses anomalies climatiques
Sur le sol, la seule année 2015 en cours est riche d’événements climatiques extrêmes. De janvier à octobre, la Chine a ainsi connu sa période la plus chaude enregistrée et l’Australie vient d’éprouver le mois d’octobre le plus chaud de son histoire avec des records pour son début de printemps austral. Idem pour l’Afrique du Sud. L’un des pics de chaleur les plus médiatisés fut celui qu’ont vécu l’Inde et le Pakistan : en mai et juin, la température moyenne maximale atteignait 42 °C et jusqu’à 45 °C par endroits. En Europe, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, ce fut certes moins fort, mais ces régions connurent aussi des canicules. On releva notamment 38,9 °C à Wroclaw, en Pologne, début août. Ces épisodes de chaleur durèrent jusqu’à courant septembre.
Dans l’ouest des États-Unis, la sécheresse qui sévit depuis 4 ans a bien sûr favorisé de nombreux incendies. On parle plus souvent de la Californie, mais l’État de Washington a connu le plus grand de son histoire. Plus au nord, l’Alaska est aussi très touché avec plus de 728 000 hectares brulés dans 400 incendies déclarés rien que pour le mois de mai (le précédent record était de 445 000 hectares et 216 feux de forêts). Durant l’été, 2 millions d’hectares au total ont été ravagés par les flammes (700 feux en juillet).
Cette année, pour l’instant, outre l’ouest de l’Amérique du Nord, les régions les plus sèches ont été l’Amérique centrale, les Caraïbes, le nord-est de l’Amérique du Sud incluant le Brésil, certaines régions d’Europe centrale et de la Russie, une partie de l’Asie du Sud-Est, l’Indonésie et l’Afrique australe.
Autre épisode marquant cette année : l’ouragan Patricia sur les côtes du Mexique, le 24 octobre. Il fut le plus violent jamais observé dans les bassins de l’Atlantique et du Pacifique Nord-Est. Ses vents atteignirent une vitesse maximale de 320 km/h.