On se dit, au moment de visiter l’exposition des toiles de Peter Doig (au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 7 septembre) que c’est de la peinture figurative, de la belle peinture et que, une nouvelle fois, on ne va pas savoir quoi dire, on va être pris dans cette ambiguïté de sensations face à toute cette “nouvelle peinture”. On se dit aussi qu’il est à la mode, que ses prix atteignent des sommets, et qu’on va être encore plus méfiant devant ce succès, un peu grognon, voire irrité. On a vu ici ou là une grande toile, un canoë sans doute, au milieu d’autres pièces qu’on a alors jugées autrement plus intéresantes.
On se dit tout ça, et puis on entre, on regarde, on va de salle en salle, on revient sur ses pas et on se sent pénétré par l’évidence de cette peinture, par sa force à nulle autre pareille. Pour la première fois depuis longtemps face à un peintre contemporain, on se sent captivé, charmé, attiré dans la toile, dans la représentation. On déconnecte un peu la machine à penser, à trouver du sens, des références (plus que l’impressionnisme, c’est Munch, qui m’a longtemps hanté, qui s’impose avec évidence), on sort un peu de l’histoire de l’art et on passe de longs moments devant des paysages vides d’humanité, et d’autres plus habités. Mais surtout, on sort de la figuration, de la représentation : peu à peu, les tableaux deviennent des compositions quasi abstraites, la représentation n’y est plus qu’un prétexte pour nous faire faire un pas en avant, pour y adhérer, pour en accepter la tension.
Bien sûr, les toiles font naître des réminiscences, des histoires non racontées, des souvenirs intériorisés, sereins ou tristes; bien sûr, elles sont faites de lumière et de reflets, de neige absorbante et d’eau miroitante, d’arbres et de béton, soigneusement mises en scène. Mais la force de Peter Doig est d’aller au delà. Et j’aime l’idée qu’il peigne souvent à partir de photos, prises ou trouvées, qu’il parte ainsi d’une réalité dont il sait ensuite si bien s’éloigner (comme dans Gasthof, ci-contre).
La plupart des toiles sont de très grandes toiles, très présentes, très physiques, mais il y a aussi de fort beaux petits formats et des travaux sur papier.
©Peter Doig; courtoisie MAMVP.