Jussi Adler Olsen – Délivrance

Par Yvantilleuil

Après « Miséricorde » et « Profanation », le Département V de la police criminelle de Copenhague reprend du service.

Tout démarre par le « plouf » d’une bouteille jetée à l’eau. Récupérée treize ans plus tard par le fameux service de police chargé d’élucider les vieilles affaires non résolues, celle-ci semble contenir un appel au secours écrit en lettres de sang par des enfants kidnappés. Carl Mørck doit donc s’attaquer à ce nouveau dossier alors qu’il ne tient pas vraiment la grande forme. Mona Ibsen, la psychologue dont il est éperdument amoureux, est en mission humanitaire en Afrique. Hardy, son coéquipier tétraplégique, a élu domicile dans son living et Vigga, son ex-femme menace de réintégrer le domicile conjugal. Sans oublier une invasion de mouches dans les locaux du département V et une inspection du travail qui menace de tout fermer à cause de la présence d’amiante…

Cette nouvelle intrigue qui nous entraîne dans les pas d’un kidnappeur d’enfants tient à nouveau la route et n’a aucun mal à nous tenir en haleine de la première à la dernière page. Cette troisième enquête du département V se déroule dans le milieu des sectes religieuses. Ce milieu très fermé, qui a tendance à régler ses problèmes en interne, va non seulement engendrer ce monstre assoiffé de vengeance, mais il permet également au psychopathe de sévir en toute impunité car rien ne filtre en dehors de ces sectes… excepté cette bouteille. Si le fanatisme religieux est mis en avant, Jussi Adler-Olsen jette également un regard à nouveau très désabusé sur une société danoise victime d’émeutes, de guerre des gangs et de racisme.

Pour le troisième dossier de ce « Cold Case » à la danoise, le lecteur retrouve donc ce trio improbable, qui va tenter de résoudre l’affaire et qui fonctionne toujours à merveille, mais également une nouvelle assistante particulièrement étrange, venue temporairement remplacer Rose. Outre la psychologie très soignée des personnages, Jussi Adler Olsen nous régale avec leur complicité et leurs interactions. Il y a tout d’abord le policier bourru, classique dans son genre : un fin limier avec une grande gueule, qui n’est pas fort apprécié par ses collègues et qui est toujours torturé par une ancienne affaire qui a coûté la vie à l’un de ses collègues et grièvement blessé l’autre. Si le personnage de Carl Mørck est très réussi, la vedette revient néanmoins à son assistant Hafez el Assad. Cet homme à tout faire se révèle à nouveau plein de surprises et particulièrement débrouillard. Ce réfugié politique syrien qui prend son boulot très à cœur est un personnage très attachant dont chaque intervention fait mouche et dont le passé intrigue au plus haut point. Puis il y a la dernière recrue en date, Rose, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui est également réfractaire à toute forme d’autorité… sans oublier sa sœur jumelle Ysra, qui joue l’intérimaire durant la majeure partie de l’enquête. L’auteur prend amplement le temps de soigner la psychologie de ces personnages, qui prennent de l’ampleur au fil des tomes. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste, que ce soit Hardy, le coéquipier blessé qui squatte son salon, ou le nouveau psychologue que Carl doit consulter. Puis, il y a le « vilain », qui est une nouvelle fois détestable au possible. Ce prédateur manipulateur insaisissable est construit avec grande minutie et le fait que ses proies soient des enfants accentue encore l’horreur de ses actes.

Si l’ambiance est à nouveau foncièrement sombre, avec des actes d’une violence extrême, Jussi Adler Olsen parvient à nouveau à y insuffler un ton assez léger en y intégrant beaucoup d’humour. Ce ton singulier, insufflé par des enquêteurs singuliers et parfois assez borderline, apporte une touche de légèreté et offre un contrepoids bienvenu aux actions terrifiantes du kidnappeur.

Au suivant !