Comme promis, je commence aujourd'hui la publication sur ce blog de textes d'amour, en commençant par ce poème très sensuel d'Anatole France.
Je sais la
vanité de tout désir profane.
A peine
gardons-nous de tes amours défunts,
Femme, ce
que la fleur qui sur ton sein se fane
Y laisse d’âme
et de parfums.
Ils n’ont,
les plus beaux bras, que des chaînes d’argile,
Indolentes
autour du col le plus aimé ;
Avant d’être
rompu leur doux cercle fragile
Ne s’était
pas même fermé.
Mélancolique
nuit des chevelures sombres,
A quoi bon s’attarder
dans ton enivrement,
Si, comme
dans la mort, nul ne peut sous tes ombres
Se plonger
éternellement ?
Narines qui
gonflez vos ailes de colombe,
Avec les
longs dédains d’une belle fierté,
Pour la
dernière fois, à l’odeur de ta tombe,
Vous aurez
déjà palpité.
Lèvres,
vivantes fleurs, nobles roses sanglantes,
Vous
épanouissant lorsque nous vous baisons,
Quelques
feux de cristal en quelques nuits brûlantes
Sèchent vos
brèves floraisons.
Où tend le
vain effort de deux bouches unies ?
Le plus long
des baisers trompe notre dessein ;
Et comment
appuyer nos langueurs infinies
Sur la
fragilité d’un sein
Anatole France
(1844-1924)