Mes collègues: libido noscendi

Publié le 27 novembre 2015 par Samiahurst @samiahurst
C'est le moment du billet d'Alex Mauron dans la Revue Médicale Suisse. L'image? Un graphique sorti des archives d'Exxon Mobile, et qui daterait de 1981. Il montre les fluctuations du climat prévues avec l'augmentation des gaz à effet de serre, et en bas les fluctuations attendues sans augmentation des gaz à effet de serre. En 1981. Oui, ils savaient. Entre temps, presque 35 ans d'opposition à la science du changement climatique et à la politique visant à l'amoindrir. Oui, c'est vraiment grave.
Maintenant le texte: comme d'habitude, je vous met aussi le lien.
"Le New York Times du 5 novembre nous informe que le procureur général de l’État de New York a ouvert une information judiciaire à l’encontre de la société Exxon, soupçonnée d’avoir dissimulé des données sur le changement climatique qu’elle détenait de longue date. Les chercheurs d’Exxon avaient travaillé sur la question dès les années septante et renseigné les dirigeants de la société pétrolière sur les dangers liés au réchauffement climatique. Mais par ailleurs, Exxon alimentait généreusement les campagnes de désinformation climato-sceptiques. Des révélations à ce sujet avaient déjà paru mais c’est la première fois que des conséquences judiciaires s’en suivent.

Les commentateurs ont relevé des analogies avec les activités de l’industrie du tabac. Dès les années cinquante, celle-ci menait ses propres recherches toxicologiques sur la nocivité de la fumée, tout en niant ces risques et en finançant des chercheurs chargés d’entretenir le déni ; puis le doute, dès lors que la négation pure et simple n’était plus crédible. On se souvient de l’affaire d’un scientifique sous influence de Philip Morris qui avait fait beaucoup de bruit à Genève au début des années deux mille. Le chercheur en question, professeur associé à l’Université de Genève, avait eu à l’insu de celle-ci un rôle dirigeant dans des recherches secrètes sur les effets toxiques de la fumée secondaire, tout en participant aux efforts de mise en doute de ces dangers vis-à-vis du public. Ce double langage mettait crûment en évidence la duplicité de l’industrie du tabac et lui fut très dommageable dans les poursuites qu’elle encourut devant les tribunaux américains. Car tout en prêchant le faux, l’industrie était curieuse de savoir le vrai et c’est ce désir de savoir qui l’a piégée en définitive. Ses managers n’avaient peut-être pas lu Saint Augustin sur les curiosités malsaines …

Il est trop tôt pour savoir si les industries des énergies fossiles connaîtront un destin judiciaire semblable à celui des cigarettiers : des années de procès avec à la clé des amendes se montant à des dizaines de milliards de dollars. Il semble qu’une partie des recherches menées par Exxon étaient publiées et ne défendaient pas nécessairement des conclusions climato-sceptiques. Mais si l’enquête devait confirmer la dissimulation intentionnelle de résultats concernant l’évolution du climat, la sanction pourrait être particulièrement sévère. En effet, selon des sources anonymes citées par le New York Times, l’enquête est motivée par un soupçon de fraude financière, en l’occurrence d’avoir caché aux investisseurs des renseignements sur le changement climatique susceptibles d’affecter la profitabilité de l’industrie. Car enfumer le bon peuple, c’est assez inélégant certes… mais tromper des acteurs financiers importants qui pourraient perdre beaucoup d’argent, ce n’est vraiment pas bien du tout. Des fractures politiques pourraient apparaître au sein de la droite américaine. Le climato-scepticisme est la religion commune à tous les candidats républicains. Ceux-ci pourraient donc se retrouver en porte-à-faux avec leurs soutiens traditionnels dans le monde économique, tout en creusant leur décalage avec l’opinion publique : les trois quarts des Américains (dont 59 pour cent d’électeurs républicains) pensent désormais que le changement climatique est une réalité . Nul doute que ce thème s’invitera au premier rang des débats de la campagne présidentielle."