Je suis donc reparti ce matin de la porte Dauphine. Cette fois, le ciel est presque clément, la température fraîche et l'humidité moins poignante que la veille. C'est déjà un peu plus un temps pour se promener longtemps, une grosse vingtaine de kilomètres est prévue, à travers les rues de Paris.
J'ai donc bien en main mon topo guide et je suis décidé à, cette fois ci, m'en servir correctement. Les premiers hectomètres, je n'en ai toutefois pas l'utilité: je les ai déjà parcouru hier, puisqu'ils sont communs au "grand tour du Bois de Boulogne". Mais arrivé au niveau du grand lac inférieur, là où j'avais un peu bêtement poursuivi ma route tout droit hier, je dois faire attention: le balisage existe bel et bien pour poursuivre sur la "traversée 1", mais il est discret. Néanmoins je trouve assez facilement la bonne trajectoire, qui me fait effectivement sortir du bois et me ramène vite vers la ville.
La ville, mais une ville bien bucolique. Au sortir du bois, je rentre d'abord dans le parc du Ranelagh, qui est encore un espace vert. Là, il me semble reconnaître l'allure particulière d'un joggeur. Mais bien sûr! En fait, ils sont trois et l'un, celui que j'ai reconnu, trottine quelques mètres devant les deux autres, qui semblent l'encadrer un peu à distance. Il est aussi plus petit. Concentré, il n'a pas l'air de se balader, même si il ne va pas bien vite non plus. Enfin, sans malice, à l'allure moyenne d'un coureur parisien de son âge. Il dodeline légèrement... et semble chercher son second souffle. C'est je crois un ancien président de la république... L'un de ses gardes du corps a tout de même l'air détendu et me sourie en disant bonjour. Je ne cacherai pas mon exemplaire de "second souffle", le nouveau livre de Matthieu (c'est mon autre mission du jour) ici. L'endroit est trop fréquenté.
Un peu plus loin, je marche dans des rues bien calmes, bordées de très belles maisons ou d'immeubles hausmaniens ou plus récents, mais toujours de belles allures. Un Paris tranquille, qui parfois a presque conservé des airs de village. Ainsi, un peu plus loin, je passe par la rue Berton, qui a gardé ses pavés, ses vieilles maisons, ses jardins privés aussi. Une rue romantique à souhait, qui conserve le souvenir du village de Passy. Le Passy moderne, ou un peu plus moderne, je le retrouve ensuite. On ne peut pas faire la fine bouche, c'est quand même pas mal. Je rentre ainsi dans un agréable petit parc, les parcs des Eaux, bordé d'immeubles modernes qui ont tous vue sur le jardin. On respire pas mal ici.
Je suis, c'est évident, dans les beaux quartiers. C'est d'ailleurs un Paris que je connais assez peu que me fait découvrir cette première partie du parcours. Un Paris moins commerçant, où les immeubles bourgeois offrent souvent de belles architectures, où l'époque Haussmannienne côtoie des édifices plus récents mais aussi, comme surgies du passé, quelques maisons vraiment plus anciennes qui sont restées là.
Ce n'est qu'en retrouvant le viaduc du métro aérien, et en traversant sur ce viaduc de Passy la Seine, devenu pont de Bir Hakeim, que je marche à nouveau en terrain très connu. Le quai Branly, où j'ai encore couru il n'y a pas longtemps à l'occasion de 20 kilomètres de Paris, puis la Tour Eiffel. Comme un touriste, je prends bien le temps d'admirer la "vieille dame", ce colosse de métal symbole, plus que jamais après le drame que l'on sait, de Paris et de la France debout. Tout est calme en cette matinée de novembre. Il fait presque beau, les touristes ne sont pas très nombreux.
Je dois légèrement dévier du parcours (toujours bien balisé à cet endroit), car des barrières interdisent certains passages autour de la tour. C'est le premier signe des mesures de sécurité actuelles que j'expérimente sur ma randonnée parisienne. Il y en aura deux autres ensuite. Mais je rejoins vite le tracé pour traverser le champs de Mars, ce qui me mène très vite aux abords d'un autre monument parisien fort célèbre et un joyau d'architecture aussi: les Invalides.
Un peu plus loin, juste en face des Invalides sur l'avenue de Breteuil, je fais une deuxième rencontre insolite: il ne s'agit pas cette fois ci d'un animal politique mais bien d'animaux qu'on a davantage l'habitude de croiser à la campagne: une petite troupe de moutons rustiques, des petits bien laineux, broutent consciencieusement l'herbe de l'esplanade au milieu de la large allée centrale. Un bouledogue, en promenade avec son maître, en est également tout intrigué.
Je continue mon chemin, en prenant toujours garde aux balises jaunes et rouges ainsi qu'aux indications de mon topo guide, car en abordant le 7e arrondissement le parcours devient un peu plus tortueux. Mais c'est aussi un Paris que je connais bien mieux, celui où j'ai pas mal marché quand j'étais étudiant, celui que je parcourai déjà avec mes parents. Un an que je vis dans la capitale, rive droite, mais je dois bien dire que mon Paris se situe encore bien plus rive gauche, celle que je connais vraiment le mieux. Cela dit, même en terrain presque connu, cette traversée possède son originalité: elle privélégie largement les plus petites rues, les endroits calmes où se cachent toutefois plein de maisons intéressantes, de porches d'hôtels particuliers, de façades anciennes encore bien conservées, d'architectures intéressantes. C'est encore les beaux quartiers, mais bien différents du 16e de mes premiers pas du jour.
Un peu plus loin (je suis maintenant dans le 6e), j'atterrie rue de Rennes. Jamais je n'aurai pensé y passer lors d'une randonnée. Bon, je ne fais que traverser cette large artère surchargée pour poursuivre en face dans des rues plus calmes, en allant vers le jardin du Luxembourg. Une petite pause sandwich plus tard, et me voilà aux abords du Sénat. Deuxième petite variante imposée par le plan Vigipirate, je ne peux longer le palais d'aussi près que le tracé le prévoit. Enfin, je connais suffisamment les lieux pour m'en accomoder.
La suite est presque bucolique: je remonte un instant la rue Souflfot, puis bifurque vers les rues bien calmes en parallèle du Panthéon. Là encore, il y a de beaux immeubles, quelques maisons étonnantes, bref de quoi distraire son regard! Je chemine tranquillement. De jolies maisons, des jardins et des ruelles privées miraculeusement préservées de l'urbanisation. Un rêve sans doute réservé à quelques multi-millionnaires aujourd'hui en plein Paris. Dépasse la place de Contre-Scarpe, arrive vite aux Arènes de Lutèce. C'est un lieu que j'ai pas mal fréquenté étudiant, puisqu'il se situe tout près de ma fac de Jussieu, et que j'aimais bien car il est calme et quelque peu hors du temps. C'est toujours le cas. J'hésite à y planquer mon bouquin, mais ne trouve pas de cache évidente suffisamment discrète.
Quelques pas plus tard, c'est dans un autre jardin, bien plus grand mais que j'aime aussi beaucoup, que je marche. Un vieux jardin, où flotte encore l'esprit des lumières, des grands penseurs et des scientifiques, où la nature est célébrée aussi. Le Jardin des plantes. J'en ai si souvent parcouru les allées, à l'époque où j'étudias les lettres à côté. Sous une plante aux feuilles tombantes, près de la guéritte de Buffon et du point culminant du parc, je cache le livre de Matthieu. Il sera trouvé dans la soirée, il y avait pas mal de candidats qui suivaient l'affaire de près!
Un peu plus loin, j'entre dans un autre espace à l'écart du bruit de la ville. Il est encore plus calme sans doute, car habituellement pas un lieu de promenade, mais cette traversée a finalement la bonne idée d'y passer: je traverse en effet la cité hospitalière de la Pitié Salpêtrière. Au-delà du fait que c'est finalement aussi un jardin, l'architecture des lieux est tout à fait belle et la coupole de la chapelle Saint-Louis vaut le détour. Et puis, malgré le caractère tragique des lieux, c'est aussi un Paris à part, où travaillent cependant un grand nombre de soignants et de laborantins, qui vit là. Une ville dans la ville qui est tout de même le plus grand centre hospitalier d'Europe, 33 ha.
Je débouche sur le boulevard Vincent Auriol. C'est la partie la plus urbaines et la moins bucolique de mon parcours, même si le pont de Bercy et la vue sur le ministère de l'économie ne sont pas sans intérêt architecturaux. Le balisage est un peu plus compliqué aussi. Il se met en prime à pleuvoir.
Je ne peux entrer dans le parc de Bercy par l'entrée indiquée dans le topo-guide, fermée pour des raisons vigipiratesques ou autres, je ne sais pas. Je dois donc longer le quais. Pas très agréable. Mais je rejoins ensuite vite la suite du quartier de Bercy qui me paraît agréable, assez calme, avec de la modernité et encore des rues qui rappellent le passé, comme celle des Meuniers, dont le tracé sinueux rappelle son origine de chemin. La vitrine d'un barbier à l'ancienne, qui devait même exister avant les hypsters, c'est vous dire, est croquignolette aussi.
J'arrive alors vite le bois de Vincennes, après avoir franchi la petite ceinture, que je côtoie tous les jours mais un peu plus loin dans son tracé. Il pleut à verse et je ne traîne donc pas trop au bois. Un coup d'oeil au lac Daumesnil, et je rentre vers le 19e... en Métropolitain!
Mais cette balade, même sous un temps de fin d'automne bien froid et pas des plus ensoleillé, fut bien intéressante et agréable. On y sent l'histoire de Paris, qui ressurgit à coup de vestiges de murailles ou de maisons encore debout, qu'elle soit celle de son passé presque rural, des faubourgs, des anciennes places de négoces, de douanes, ou de son passé historique avec un grand H, ou même ouvrier. Et puis surtout l'oeil ne peut s'y ennuyer et en prime, on y côtoie tout de même des bouts de nature et on y marche dans une certaine tranquillité, un vrai luxe dans la grande ville!