Mahi BINBINE avait déjà à son actif une importante bibliographie et un honorable palmarès, datant du temps où il avait choisi l’exil en France puis aux Etats Unis pour partager son temps entre l’écriture et la peinture.
j’ai eu peu de plaisir à lire certains livres de cette période : je pense à “CANNIBALES” et à “POLLENS”, publiés respectivement en 1999 et 2001 chez FAILLARD et dont je n’ai pas pu mener à terme la lecture. Ces deux romans ne m’avaient pas du tout intéressé, comme toutes œuvres, que je qualifie d’ “exotiques”, que les auteurs marocains destinent à un public et une critique étrangère.
Une fois rentré au pays en 2002, il continue à peindre et à écrire : ses romains “marocains” m’interpellent d’avantage et semblent être porteurs d’une charge émotionnelle plus personnelle.
J’avais parlé ici même de son roman “LES ETOILES DE SIDI MOUMEN.” inspiré des attentats de Casablanca du 16 mai 2003.
Aujourd’hui, je parlerai de “LE SEIGNEUR VOUS LE RENDRA” publié en 2013 chez FAYARD en France et chez LE FENNEC au Maroc.
J’ai ouvert ce roman avant de me mettre au lit et je n’ai refermé qu’après avoir tourné la dernière page!
D’abord, c’est très bien écrit. Je n’ai relevé qu’une seule petite erreur de langue bien compréhensible, que beaucoup de francophones commettent : l’usage à contre-sens de l’expression “faire long feu”. Sinon, le style est fluide, simple, alerte, sans prétention ni négligence.
L’histoire est assez extraordinaire : celle d’un enfant que sa mère empêche par les moyens les plus inhumains de grandir, afin de pouvoir le “louer” à des mendiantes professionnelles.
La trame du roman décrit la vie de ce malheureux dans un Marrakech populaire et populeux, véritable Cour des Miracles qui vivote en marge d’une ville opulente et riche, puis qui essaie de vivre normalement dans un monde normal au milieu de personnages anormaux.
Dans cet imbroglio social, cet avorton – ce mot n’a ici aucune connotation péjorative, juste le sens premeier du mot : être humain chétif et mal formé – finira par connaitre ce que tout être humain à droit à connaitre : le bonheur, l’amour, l’espoir! Mais aussi à subir ce que tout être différent des autres a à subir : les vexations, la violence, les privations.
Mahi Binebine est fils de Marrakech, il connait bien sa ville, ses dédales, ses arcanes, ses misère et ses miséreux, saes ruelles, ses places, ses vices cachés ; il en parle sans parti pris, sans chercher à les exagérer ou à les dissimuler. Cette espèce de sincérité donne une charge particulière à ce roman.
Je n’apprécie pas du tout, en général, les romans marocains qui ne sont que lamentations sociales et imprécations sociétales d’écrivains confortablement installés;
Cet opus de Mahi Binebine aborde bien ces problèmes mais avec une sorte de tendresse et même de décence qui ne cache des réalités marocaines mais forcer le trait, sans défoncer les portes ouvertes chères aux pseudo-spécialistes de la littérature marocaine.
A lire donc si vous en avez l’occasion !