C’est de la nécrophilie pure et dure. Car à quoi bon vendre un disque de chutes de studio (et encore, de studio, ça sent l’enregistrement à la maison, le brouillon jeté comme ça, le mémo à la va-vite)
Donc, comme je le disais, il y a deux manières de l’aborder. La première, comme une curiosité à la Stereopathetic Soulmanure de Beck, improbable collage de tout et n’importe quoi qui pourrait passer pour de l’art, grand foutoir qui aurait été marrant, de son vivant. Parce que, bon, le « Yodel Song » de l’ouverture, hein, l’intérêt artistique n’est pas d’une portée évidente. De même que Kurt s’amusant avec les accélérés et ralentis de son recorder, les échos et les réverb (« 1988 Capitol Lake Jam Commercial », « Scream », « Beans », « Montage of Kurt »… et « Reverb Experiment » fait furieusement penser à du Earth, non ?) ou d’autres chutes telle « The Happy Guitar » que tout bon fan a déjà entendu sur les Outcesticide, bootlegs qu’on trouvait facilement sur Napster à la grande époque… (pour ma part ce morceau s’intitulait « Black & White Blues »)
Après, d’accord, il y a des amorces de morceaux intéressantes – ou en tous cas ce qui passe pour, des essais de riffs, des refrains marmonnés (« Burn the rain », « Rehash », le trio « You Can’t Change Me / Burn My Britches / Something in the way »…)
Il y a aussi quelques sublimités (oui, si je veux), ce « And I Love Her » notamment (voire peut-être elle uniquement, peut-être aussi « She Only Lies »)
Il y a aussi cette bio en spoken word, « Aberdeen », qui, elle, est assez émouvante. Voire dérangeante – mais pas plus que d’avoir publié ses carnets intimes (étaient-ils destinés à lecture publique ?)
Et ces quelques notes maladroites, ces « Letters to Frances » qu’on dirait que c’est moi qui joue, peut-être une berceuse pour sa fille, de quel droits, messieurs, vous autorisez-vous ainsi à dépouiller l’âme d’un mort ? (Même avec l’approbation de Courtney Love, d’ailleurs jeterions-nous lui l’opprobre ? Allez, oui.)
La deuxième manière d’aborder ce skeud, c’est de l’ignorer superbement. Et d’écouter en toute simplicité un bon gros « Nevermind » ou le sublime « In Utero ». Tranquille.