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[Direct-to-Vidéo] [Rétro] Qui l’a vue mourir ? La sérénissime rouge sang

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

[Direct-to-Vidéo] [Rétro] Qui l’a vue mourir ? La sérénissime rouge sang

Sorti directement en DVD chez The Ectasy Of Film, le 20 novembre 2015 et en bundle avec le magazine Mad Movies, Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado, sorti en 1972, fait indéniablement partie de ces pièces méconnues du cinéma transalpin dont le travail d’éditeurs indépendants permet de partager enfin la saveur. Ce giallo a été sorti des affres de l’oublie pour le plus grand plaisir des amateurs du genre. Il se déploie à Venise, loin des clichés touristiques, dans la brume constante et dans les rues sales, donnant à voir les errements de l’aristocratie locale. George Lazenby, l’éphémère James Bond d’Au service secret de sa majesté y reprend du service, méconnaissable, dans le rôle d’un père aux abois voulant venger l’assassinat de sa fille.

A Venise, Franco Serpieri (George Lazenby), un peintre en vue, voit sa fille (Nicoletta Elmi) sauvagement assassinée par un tueur en série. Devant l’incompétence de la police, il décide de mener lui-même l’enquête.

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Franco Serpieri (George Lazenby), le négociant d’art (Adolfo Celi) et sa femme (Dominique Boschero)

Aldo Lado a grandi à Venise. Lorsque, travaillant sur Un dernier tango à Paris, la production lui proposa, en attendant le retour de Marlon Brando parti tourner Le parrain, de se servir d’un rabais de budget pour réaliser son second film, il pense immédiatement à sa ville natale comme cadre. Mais ce n’est pas la Venise du carnaval, fantasmée et idéalisée par tous les romantiques du monde à qu’il entend rendre hommage. Lado décide de filmer la Sérénissime, en plein hiver, loin de l’agitation de la belle saison, constamment plongé dans un brouillard inquiétant. Il filme les docks, lieux entre deux temps, entre la Venise des vénitiens, des petits artisans et des marins et celle des brochures touristiques. Il montre le délabrement de certains quartiers, les zones industrielles abandonnées à leur sort, à l’écart du centre historique. Il prend également soin de placer son intrigue dans des lieux dans le quotidien tels les petits bistrots de quartier. Dans cette ambiance lugubre, il réduit la ville de rêve à une ombre inquiétante.

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Aidée en cela par la musique d’Ennio Moricone, dont la comptine entêtante portée par des choeurs enfantin, Qui l’a vue mourir ? est habitée par une indicible impression de surnaturel, Venise semble cacher bien des mystères derrière la bruine. Pourtant, cette impression constante, appuyée par l’aspect mystérieux du tueur, habillé en veuve et tuant uniquement des petites filles rousses, dont les meurtres sont filmés à travers le voile et restent, hors champ, dans la suggestion, est trahi par l’enquête plus terre à terre de Franco Serpieri. Celle-ci l’amener à pousser les portes de la petite bourgeoisie locale avec laquelle Aldo Lado n’est vraiment pas tendre. On retrouve mêlés de près ou de loin aux meurtres, un avocat, un armateur, un policier et un marchand d’art. Les petites magouilles des uns et des autres, alliés à un esprit de classe, les poussent à cautionner et à accepter l’inacceptable. Lado met aussi en exergue leur misère affective en mettant en scène les jeux salaces qu’ils mettent en place pour tromper l’ennui de leurs petites vies tristes et, en apparence, policées.

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Franco Serpieri (George Lazenby) et sa fille (Nicoletta Elmi)

Satire de la petite bourgeoisie, coup d’épée dans l’eau de la lagune, Qui l’a vue mourir ? est tout aussi un policier intriguant que l’on suit de bout en bout comme happé par son côté ésotérique qu’une critique acerbe d’un microcosme se croyant au-dessus des lois et que les affaires finissent toujours par rattraper. L’aspect surnaturel du récit se muant en triste réalité est une véritable allégorie de l’impression d’impunité des élites. Une impunité qui ne peux durer éternellement. Débutant par des meurtres d’enfants, le giallo se termine par des règlements de compte entre adulte.

Boeringer Rémy

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