Etant bédéphile et de surcroît grand fan de Saphia Azzeddine, dont j’ai lu tous les romans (Confidences à Allah, Mon père est femme de ménage, La Mecque-Phuket, Combien veux-tu m’épouser ?, Bilqiss), je pouvais difficile passer à côté de l’adaptation de son premier livre par Eddy Simon (Violette Nozière, vilaine chérie) et Marie Avril. Après une adaptation couronnée de succès au théâtre, le premier ouvrage de l’écrivaine franco-marocaine trouve donc également le chemin du neuvième art.
« Confidences à Allah » retrace l’itinéraire de Jbara, une jeune bergère marocaine qui habite avec sa famille dans un bled paumé au milieu des montagnes. Malgré son éducation stricte, la jeune fille refuse le destin servile qui lui est réservé et se rebelle contre les règles imposées par la religion et par une société dirigée par les hommes. Afin d’échapper à la pauvreté et à sa condition de femme soumise, elle s’enfuit et finit même par vendre son corps avant de devenir …et c’est bien là toute l’ironie du sort … femme d’imam.
L’histoire de cette fille qui cherche à s’émanciper et à fuir un quotidien dénué de toutes perspectives d’avenir, est servie sous forme de long monologue coup-de-poing. Quand on habite dans ‘le trou du cul du monde’, le nez bien enfoncé dans la merde de la pauvreté, soumise à des lois d’hommes et contrainte de baiser pour un yaourt à la grenadine … les personnes à qui se confier se font rares. C’est donc à travers le Prophète, son seul et unique confident, que Jbara s’adresse à nous. Malgré sa recherche de liberté au sein d’un islam qui s’y oppose et son attitude rebelle envers des lois dégradantes, elle va parvenir à conserver sa foi en Allah et vivre sa croyance tout en dénonçant l’oppression des femmes et l’hypocrisie religieuse. Dans le contexte actuel, l’image de ce Dieu tolérant et bienveillant, qui l’accompagne tout au long de son chemin et lui donne la force de poursuivre, est plutôt salutaire.
Si cet album restitue avec brio le ton percutant de l’œuvre originale, ainsi que l’esprit de Jbara, j’ai cependant eu l’impression de survoler le texte de Saphia Azzeddine de façon trop fugace. Visuellement, pour une première réalisation, Marie Avril livre également de l’excellent travail, même si j’aurais opté pour une approche plus sombre au niveau de l’ambiance.
Lire cette bande dessinée est probablement un Haram, mais qu’il est parfois bon de vivre dans le péché !