C'est vrai que les sondages accordent une dizaine de points d'avance à Jean-Yves Le Drian en Bretagne et à Alain Rousset en Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, alors que nos modèles prévoient un coude-à-coude entre les listes de gauche et LR-alliés. Notre projection repose sur un modèle mathématique qui s'appuie sur le résultat des élections européennes de mai 2014 pour le premier tour, et qui applique une matrice de voix établie à partir des scrutins les plus récents, notamment les municipales et les départementales de mars dernier, pour déterminer les résultats du second tour. Ce modèle occulte certaines données de l'équation électorale, comme l'implantation des têtes de liste ou le contexte national, ce qui peut expliquer la différence avec les sondages. Ceux-ci n'ont cependant pas toujours été très performants lors des derniers scrutins. Des maires sortants comme Pierre Cohen à Toulouse, Alain Rodet à Limoges ou Maurice Vincent à Saint-Etienne ont été balayés par la vague bleue alors que les sondages leur indiquaient une réélection facile. Avec notre modèle, nous obtenons une légère avance de la droite en Bretagne : 41,3 % contre 40,1 % (avec un FN à 18,6 % sur la base d'un score national de 25 %). En Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, c'est la gauche qui a l'avantage, d'une très courte tête : 39,6 % contre 38,9 % (avec un FN à 21,5 %, toujours sur une base nationale de 25 %). Il y a donc un vrai suspens dans ces deux régions même s'il faut prendre en compte l'équation personnelle des têtes de listes (Le Drian en Bretagne) et qu'évidemment notre étude ne mesure pas l'impact éventuel des attentats.
Guillaume Tabard : Le score des Européennes que vous prenez comme base de calcul, ne minore-t-il pas le poids réel de la gauche ?
Aux élections européennes de 2014, l'ensemble des partis de gauche a recueilli 34,1% des voix, son pire résultat depuis 1969. Jusqu'aux attentats du 13 novembre, ni les cotes de popularité de l'exécutif, ni les résultats des élections partielles ou des élections départementales n'indiquaient un quelconque rebond de la gauche. D'ailleurs, l'enquête IPSOS pour les élections régionales, publiée le 6 novembre, accordait 34,5 % à l'ensemble de la gauche, exactement son score des européennes. Les prochaines enquêtes, réalisées après les attentats, nous éclaireront sur une éventuelle remontée de la gauche.
Guillaume Tabard : Inversement, vos hypothèses retenues pour le Front National ne sont-elles pas trop basses ? Quelle incidence aurait une nouvelle progression du parti lepéniste ?Nous avons retenu trois hypothèses. Un Front national stable par rapport à son score des européennes et des régionales (25 %), en retrait (20 %) ou en légère progression (27 %). Les sondages les plus récents semblent nous placer dans le scénario le plus favorable au parti lepéniste. Selon notre modèle mathématique, cela permettrait à Marine Le Pen de passer en tête en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (37,6 % contre 35,0 % pour la droite et 27,4 % pour la gauche) et à Marion Maréchal-Le Pen de réduire l'écart en Paca (34,2 % contre 39,2 % pour la droite). Dans les deux régions concernées ici, cela ne modifierait pas le rapport de force. Un FN à 27 % au niveau national obtiendrait 20,2 % en Bretagne et 23,3 % en Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, la droite gardant une courte avance dans le premier cas (40,5 % contre 39,3 %) et la gauche une courte avance dans le second (38,7 % contre 38 %).