Abel Tesfaye, mieux connu comme l'homme derrière le groupe musical The Weeknd, est d'origine éthiopienne. Ses parents sont arrivés en Ontario dans les années 80. Papa a vite disparu et maman travaillait donc en double, donc tout le temps. C'est grand-maman, parlant principalement l'amharique, langue d'Éthiopie, lui a donc appris l'anglais en parallèle avec l'amharique. Ayant d'abord appris cette langue rare, les difficultés à l'école ont été promptes. Il a quitté l'école il n'avait que 17 ans.
J'ai été étonné de découvrir que c'était un homme qui chantait "Earned It", la première fois que j'ai entendu parler de The Weeknd, son groupe.
Ces temps-ci, je découvrais et ajoutais à ma playlist sur mon téléphone, une chanson qui me plait bien de The Weeknd. Quand j'ai découvert le vidéo, je l'aimais encore plus. Simple. linéaire, extrêmement mystérieux aussi. Si mystérieux qu'il me hantait les sens. La chanson parle de débauche absolue, et je me sens inconfortable de penser que c'est peut-être ce qui me plait dans la chanson. Mais le vidéo, j'en étais convaincu, nous renvoyait à autre chose que simplement la débauche.
David Lynch dans Mulholland Drive commence son film (in the Hills) par un accident de voiture lui aussi. Le vidéo de Tesfaye fait de même.
Un vidéo, quand il sert autre chose que la simple promotion d'un artiste, nous sert souvent des messages. Tesfaye nous parle continuellement de son expérience dans le monde de la musique depuis ses débuts.
Et j'ai fini par le comprendre en visionnant plusieurs de ses vidéos.
Tous les vidéos de The Weeknd nous parlent de la descente aux enfers, de la tentation et du pêché d'un artiste dans la jungle de l'univers musical populaire.
Dans ses tout premiers vidéos, déjà, Abel se questionne sur le monde musical. On y voit de femmes dont on ne distinguera jamais complètement le visage. Tesfaye y parle de femmes perdues, d'amour distant, de perte de connexion avec une être aimée. Dès son troisième vidéo, les yeux du diable y font une première apparition. Bien assez vite on y présente la femme comme la pureté et l'homme comme le pêché, un constat que fait peut-être Abel Tesfaye sur lui-même. Son cinquième vidéo se termine sur des mains qui semblent prendre le contrôle de sa tête.
Commence ensuite un premier indice clair de suivi dans les clips. Un personnage de retour. La femme asiatique au coeur du vidéo de You Belong to the World, réapparaît sous la douche et se préparant pour un homme ressemblant étrangement à Abel Tesfaye,, mais qui n'est pas lui. Ces deux-là se donnent l'un à l'autre jusqu'à ce que Tesfaye revienne de l'aéroport et tue les deux à coups de fusil. Didn't she belong to the world? peu importe, on lit une première fois une certaine continuité claire entre les clips.
Tesfaye est de plus en plus investi dans le monde de la musique, brouille ses rapports avec la/les femme/s qui l'ont suivi amoureusement, et se compromet de plus en plus dans une certaine forme de vice.
Le vidéo suivant nous montre Tesfaye en pleine apnée vis-à-vis les femmes. Sa connexion émotive semble imparfaite, il est nageur comme noyé dans cet apnée.
Son 9ème vidéo nous montre à nouveau Tesfaye errant dans un monde qui semble principalement composé de souvenirs de femmes. À la toute fin du vidéo, Tesfaye erre dans la rue et semble à la fois en marge de tout ça (car la plupart des femmes montrées semblent en train de festoyer) et à la fois perdu.
Les trois derniers sont les plus intéressants.
De toute évidence, Abel Tesfaye semble avancer dans le monde musical à tâtons et exprime chaque fois ce qu'il ressent comme "vibe" en musique et en images. Vous aurez déjà noté qu'il est nettement explicite dans ses propos comme dans ses choix de clips.
Vous noterez maintenant qu'il nous parle comme un livre ouvert.
The Hills, même si la chanson pogne maintenant et que le clip a été lancé en mai dernier, est le seul morceau qui me plaisent vraiment du petit gars de Scarborough en Ontario. Il devrait être vu en dernier des trois prochains, mais puisqu'il a été lancé en premier, commençons par celui-là dans le dernier trio de clips. Encore une fois, Tesfaye parle d'une relation avec une femme, dans un débauche plus ou moins assumée. Le vidéo est assez fameux. Un accident de voiture, voiture qu'il semblait conduire, Tesfaye y est blessé, deux femmes sont extirpées de la voiture et lui en veulent d'avoir causé l'accident. Il semble peu atteint de leurs récriminations mais convaincu de se rendre (lentement parce que blessé) à une maison cossue de L.A., là où s'est déroulé l'accident, sur ce qui pourrait être Mullholland Drive et qui est très certainement le cossue quartier de L.A. appelé The Hills. Il y trouvera à la toute fin un homme (Rick Wilder, ancien leader de Mau-Maus) dans le rôle du diable, une pomme à la main, ainsi que les deux femmes vues précédemment. Nous sommes invités à comprendre une certaine part de surnaturel ici puisque les deux femmes ne sont plus habillées de la même manière et ne sont pas blessées ou en état de choc suite à l'accident, mais paraissent plutôt détendue et en offrande. Nous reviendrons à tout ça plus loin.
Si Earned It a fait connaitre The Weekend , c'est Can't Feel My Face qui l'a véritablement propulsé sur la planète superstar. Et Tesfaye en parle pendant tout le clip. Il parle aussi de cocaïne de manière voilée, poudre d'illusion ultime dans le milieu. Le clip nous montre Tesfaye chantant sur scène en se donnant plus que la chanson ne le demande. La réaction du public passe de la déception au total ennui. Une seule femme dans le public semble intéressée par ce qu'il offre sur scène. Quand je travaille fort, je vous ennuie. Rick Wilder, toujours dans le rôle du diable vient s'installer à un table dans la première rangée du bar où Tesfaye se produit. Bien assez vite, le diable lui mettra le feu au corps sur scène et cette fois, Tesfaye non seulement se produira sur scène avec encore plus d'énergie, reproduisant pratiquement des gestes de Micheal Jackson avec perfection, mais le même public qui le méprisait plus tôt, l'aime soudainement, se lève et danse sur son rythme. Tesfaye a vendu son âme au diable pour être aimé de tous et il nous le montre. Toujours en feu, il quittera la scène en toute fin de clip, apeuré, réalisant qu'il est toujours en feu, même hors de la scène. Le feu consume entièrement ce qu'il brûle.
Tell Your Friends commence en clip avec le même élément qui avait clôt le clip précédent: le feu. Un buisson ardent brûle dans le désert. Le feu est d'ailleurs des trois derniers clips puisque le diable s'y trouve aussi. Tesfaye enterre quelqu'un dans ce désert. Il s'agit de lui-même. C'est lui-même, enterré dans un sac, qui nous chantera la chanson. Dans le clip de The Hills, vous remarquerez que Tesfaye chante parfois la chanson, parfois non. Comme si il avait oublié qu'il était dans un clip. Tesfaye est en parfaite errance dans le monde musical qui le fait naître, mais qui lui donne aussi des indices de mort. Tesfaye enterre son nouveau "lui", créé par le diable, et veut redevenir lui-même. Le diable (toujours Rick Wilder) est en furie et réapparaît avec un pas décidé marchant dans sa direction. Il semble fâché de son choix. Tesfaye n'attend rien de lui et lui tire dessus au beau milieu de la chanson. Il prend sa voiture et quitte...vers des "hills" discrètes, mais bien là depuis le début du vidéo. "Dit à tes amis, que d'autres pistes je choisis". À la fin du clip, il ne chante plus, la radio chante pour lui. Il est "autre".
Et maintenant vous pouvez relire le paragraphe sur le clip de The Hills qui serait la suite narrative de ce clip. Tesfaye se plante au volant de sa voiture, et peu importe ce qu'il fera, peu importe les routes qu'il emprunte et les déscisions qu'il prend, il sera toujours entre les mains du diable. Car le Diable est increvable. Et le pacte avec lui est irrémédiable.
À la fin de The Hills, Abel Tesfaye rencontre son créateur.
À moins que son prochain vidéo ne nous offre d'autres pistes.
Reste que Tesfaye est un livre ouvert en clip.
The Weeknd était sur scène à Montréal hier soir.