Comment supporter la douleur provoquée par la disparition d’un être cher et réapprendre à vivre avec son souvenir ?
Peut-on définir le deuil ?
C’est un processus de cicatrisation psychique, inconscient, qui survient, qu’on le veuille ou non, après toute perte. Essayer de court-circuiter ce processus est vain. Il faut le différencier du travail de deuil, qui est une décision consciente d’accompagner cette cicatrisation, de créer les conditions pour qu’elle soit la plus harmonieuse possible.
La cicatrice va rester à vie. Donc, contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas de processus d’oubli, mais « d’intégration » en soi de la personne perdue : on accepte pleinement, après plusieurs années, de vivre sans cette personne que l’on aimait, même si elle reste en soi à vie.
Lorsque l’on dit « tourner la page », on se trompe. C’est le contraire : tout continue à un niveau intérieur, sans avoir l’impression de trahir la personne disparue, sans penser que l’on n’a pas le droit de vivre.
Le deuil, c’est pacifier. Mais il faut du temps et décider de prendre soin de soi, d’accompagner cette souffrance, de lui donner une direction, un sens. Cette action se mène sur la durée.
Retrouve-t-on toujours les mêmes phases dans ce processus ?
Chaque deuil est unique et chacun le vit à sa façon. Cependant, on retrouve habituellement différentes phases du deuil.
Il y a d’abord, juste après la mort, la phase du choc, du déni, qui dure de quelques heures à quelques jours. C’est une période d’anesthésie émotionnelle et intellectuelle.
Puis vient la phase de fuite et de recherche. Pour fuir sa souffrance, la personne met en place des mécanismes de protection. Une seule chose compte la personne perdue.
On ne parle que d’elle, ses photos sont partout, ses vêtements restent dans la penderie…
Entre six et dix mois après le décès, voire plus, survient la période de déstructuration : la personne endeuillée a l’impression de faire marche arrière, de ne pas s’en sortir. La souffrance prend une autre tonalité, plus sourde, plus profonde.
Il est important que cette période survienne : elle prouve que le processus avance. Cette phase est vécue beaucoup plus en solitaire et à deux vitesses : une vitesse sociale, où l’entourage s’attend à ce que vous ayez tourné la page, et un virage intime, où l’absence existe avec intensité. C’est la période d’un vécu dépressif, normal, prévisible, souvent incontournable qui, contrairement à une dépression, ne nécessite a priori pas de traitement médicamenteux.
Qu’est-ce qui change en soi ?
C’est ensuite la quatrième étape, la phase de restructuration qui, même si elle peut s’initier quelques mois après le décès, survient parfois plusieurs années après. Il s’agit de redéfinir son rapport aux autres, son rapport à la personne disparue et, enfin, son rapport à soi-même. Avec la perte de la personne aimée, le statut a souvent changé.