Franchement, ça en devient caricatural : on a à peine oublié le précédent billet qui narrait les récupérations toutes plus lamentables les unes que les autres des récents attentats pour faire passer tout et n’importe quoi, que déjà Bercy déboule en bousculant tout le monde, comme un gros patapouf arrivé après la curée en criant « moi aussi, moi aussi, laissez m’en un morceau ! ».
Et pour ce Ministère qui ne sait ni économiser, ni financer quoi que ce soit, il est « subitement » apparu qu’il fallait intervenir un grand coup pour attaquer les djihadistes au portefeuille.
Présentant un copieux projet de loi visant à mettre enfin de l’ordre dans toutes ces libertés échevelées dont les Français disposent joyeusement pour acheter, vendre, et commercer sans rendre de comptes à personne, le ministre des Finances, un certain Michel Sapin, s’est expliqué de la subtile stratégie que son ministère va employer pour gêner les terroristes :
« Si des terroristes parviennent à commettre des attentats, c’est parce qu’ils peuvent se procurer les ressources financières pour ce faire, en France et à l’étranger »
Mais avant de s’attaquer aux voitures, recentrons nous sur l’argent, le nerf de la guerre et la mère de tous les vices, qui a en plus le mauvais goût d’être sécable en petits montants dès lors d’autant plus difficiles à tracer : selon Michel, « Les sommes en jeu sont souvent modestes » (eh oui que voulez-vous, plus besoin de gros montants : le marché des armes est très fluide et on a des prix discounts sur les AK47 actuellement) ce qui oblige à « resserrer les mailles du filet, pour rendre plus difficile et plus repérable (…) l’argent du terrorisme ». La dimension des mailles n’est pas évoquée, mais on comprend que Bercy ne sera vraiment heureux que lorsqu’on pourra tenir compte d’absolument tout, y compris du petit café serré que le djihadiste aura ingurgité deux jours avant de commettre l’irréparable, et qui permettra je suppose de remonter toute la filière jusqu’à El Gringo.
Une fois ces principes débiles posés, le reste est évident : il suffit de renforcer les pouvoirs de Tracfin, la cellule en charge de la lutte contre le blanchiment et le financement de toutes les activités louches (depuis le terrorisme jusqu’à l’optimisation fiscale), qui va pouvoir croiser ses petits fichiers avec ceux des Renseignements. La menace est crédible : si les terroristes qui ont une fiche S se font enfin pister avec autant de zèle que ceux qui ont des déboires avec la Banque de France ou le RSI (« l’assurance »-santé des indépendants), alors la France tient une vraie solution pour se débarrasser d’eux.
Mais ce n’est pas tout : les cartes de paiement prépayées sont aussi dans le collimateur du Sapin. Tout comme les billets de banque, ces cartes ont joué un rôle dans la préparation logistique des attentats, parce qu’elles permettent de payer de façon anonyme : « C’est un outil qui remplace le cash, qui est très discret, pas tracé. C’est quelque chose qu’il faut absolument corriger. »
Et on ne peut pas reprocher l’incohérence au patron de Bercy : le cash étant notoirement utilisé par les pédonazis, les terroristes et les cabinets ministériels, la guerre lui a été déclarée depuis un moment. Il n’est que logique qu’il en soit de même avec les cartes de paiement prépayées, qui donnent trop facilement aux individus la possibilité d’échapper aux yeux bienveillants de la police et, surtout, du fisc.
Bref, voilà bien une belle panoplie. Il ne manque plus que l’abandon du bien trop confortable anonymat des tickets restos et des chèques vacances, et on aura définitivement fait tout le tour de l’ensemble des moyens déployés par les terroristes pour opérer sur notre sol.
Pour qui suit ces colonnes et d’autres aussi lucides, on a déjà largement noté les multiples tentatives liberticides en matière de finances. Ce nouvel épisode ne surprendra donc personne, et confirme bel et bien la volonté maintenant affirmée des gouvernements de se colmater les brèches possibles dans leur espionnage de toutes les transactions financières.
Bien évidemment, le terrorisme joue ici le rôle d’un prétexte assez lâche : tout individu ayant deux pouces opposables comprend rapidement qu’une omniscience de l’État en matière financière lui permet, bien avant la lutte contre le terrorisme, de se placer en intermédiaire obligé entre les individus et qu’il peut donc systématiser son espionnage, bien sûr, et sa ponction, évidemment.
Du reste et de façon parfaitement hypocrite, ce même État n’hésite pas, de son côté, à accumuler les transactions financières que d’aucuns pourraient trouver louches, et dont les liens avec le terrorisme international ne sont plus à démontrer. Il est maintenant de notoriété publique que le Qatar et l’Arabie Saoudite, par exemple, sont notoirement impliqués dans le financement massif de filières djihadistes, dans celui d’organisations politiques et religieuses de déstabilisations dans tout le Moyen-Orient et au-delà, et dans l’achat, parfois à peine voilé, de têtes de listes politiques pour leur assurer des relations diplomatiques et commerciales aussi faciles que possible.
Combattre le terrorisme, comme prétend le faire Sapin et la machine Bercy, pourrait donc, en toute logique, commencer par remettre de l’ordre dans les relations avec ces États qui ne font pas mystère de leurs opinions favorables vis-à-vis des terroristes. Combattre le terrorisme pourrait commencer par cesser les relations commerciales avec tous les pays dont on sait preuves à l’appui, ou dont on soupçonne fortement, qu’ils sont mêlés à des financements terroristes.
En lieu de quoi, encore une fois, l’État français et ceux qui le dirigent choisissent de combattre le terrorisme en mettant ouvertement leur propre population sous surveillance renforcée, cette même population qui les fait vivre et les a mis à leur place pour les protéger.
Si tous les médias ne nous rappelaient pas sans cesse que l’État est là pour nous protéger, on croirait presque qu’il veut nous emprisonner.
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