Les différentes analyses que nous présentons relatives à certains grands philosophes, sont destinées à montrer en quoi le concept de prématière éternelle est susceptible de sortir la philosophie de certaines impasses qui s’originent dans la coupure entre science et philosophie. Il s’agit d’une approche inverse de la précédente qui montrait les conséquences de ce même éloignement, cette fois de la science physique, de la conceptualisation philosophique.
Au seuil de son livre Être et Temps Heidegger écrit « L'élaboration de la question de l'être est l'objet du présent travail, son but provisoire est de fournir une interprétation du temps comme horizon de toute compréhension de l'être ». Tout ce livre ouvre vers la possibilité de montrer que : « être veut dire temps. »
Deux questions se posent : Que veut dire Etre ? Qu’est-ce que le temps ?
1 - L’Etre, ce n’est ni Dieu, ni le fondement du monde, c’est ce qu’il y a de plus proche. Qu’est-ce à dire ? L’être n’est pas l' étant que sont les diverses réalités particulières : L’étant, participe présent du verbe être, signifie : l’être concret, l’existant. L’être est donc présence d’un étant par lequel l’être est. C’est le fait brut « d’être là ». Le temps n’est pas celui des horloges qui est « ce en quoi les évènements se déroulent » ; C’est cet espace insaisissable entre un avenir qui vient et un passé qui s’éloigne. Ce qui est le plus proche de nous –l’être-du-temps – est à la fois le plus lointain. L’expérience du temps s’effectue ici et maintenant mais ne peut jamais être saisi au présent puisque l’instant se joint immédiatement au passé.
Le temps selon Heidegger est présence de l’étant qui existe dans l’instant. Dès lors, l’être et le temps expriment la même idée de présence de l’existant qui EST. Aussi, peut-on conclure comme Heidegger que l’être est temps, que l’être d’un étant est toujours situé dans le temps. Nous sommes donc enfermés par Heidegger dans un cercle où toute question sur l’être ramène au temps et réciproquement : temps et être sont à la fois identiques et différents ; Mais une différence suppose une identité primitive qui doit être pensée.
2 - Penser l’identité primitive revient à se questionner autrement que Heidegger sur l’être et le temps. Pour cela, il est nécessaire de différencier l’Etre de l’exister. En effet, l’entrée dans le temps qui est manifestation de la présence de l’être, suppose de s’extraire d’un ailleurs pour « ex-ister ». Hors cette procédure d’extraction, de naissance, ni le temps, ni l’être ne sont.
Pour Heidegger, l’être est indétachable du temps, il lui est inconcevable d’imaginer l’être en dehors du temps. Ce qui n’est pas pensé par Heidegger, c’est l’(E)tre avec un E majuscule comme éternelle présence hors temps et qui n’est donc « présent » dans aucun étant réel et temporel. A la source de l’identité primitive et antérieure à la distinction entre être et temps-des-étants, se trouve une différence entre Eternité et temps. Le temps n’est concevable que comme rupture du continuum de l’éternel pour ex-ister, sortir d’autre chose que sois. Heidegger passe à côté du concept fondateur qu’est l’éternité, il inscrit sa philosophie dans la cosmologie traditionnelle d’une genèse temporelle où seul un Dieu abstrait possède les attributs de l’éternité. En refusant Dieu et tout fondement à l’Etre, il ne peut donner aucune assise véritable à l’être-du-temps.
3 - Pour sortir la philosophie de l’impasse Heideggérien, nous devons faire retour cette fois à la science physique. Qu’est-ce donc en physique les notions d’éternité, de temps, d’être, d’existence ?
L’éternité est celle d’une substance absolument continue, incréée, infinie et amorphe qui est tout la fois contenant et contenu de l’espace. Cette prématière EST présence permanente dans l’espace et à ce titre elle remplit intégralement le concept d(’E)TRE. Mais l’Etre de la prématière, comme substance éternelle, n’est pas dans le temps lequel suppose une durée limitée, de s’inscrire dans le cycle naissance et disparition. L’(E)tre EST mais n’ex-iste pas.
Pour ex-ister, un étant doit donc s’extraire de l’éternité de cette prématière pour constituer sa matérialité (dont nous avons démontré qu’elle n’est pas éternelle et doit faire retour à son origine prématérielle).L’(ê)tre des étants matériels reçoit donc son être-temps de l’(E)tre qu’est la prématière éternelle. L’(ê)tre-la du Dasein (l’homme) qui vit dans et par le temps doit donc s’analyser relativement à un caractère plus fondamental qui est celui de l’Etre lui-même par lequel le temps est, pour tout étant de l’être-là.
Maintenant que signifie physiquement que l’(ê)tre est temps ? ». L’être du temps peut difficilement se définir hors le mouvement et de l’énergie qui le nourrit. Le temps procède du mouvement car celui-ci est passage et ne peut faire l’objet d’une saisine sous peine d’être stoppé. C’est là le fondement du principe d’incertitude où on ne peut à la fois déterminer la quantité d’un mouvement et la position d’un corpuscule.
En définitive, L’(E)tre comme présence de l’univers à lui-même est à proprement parlé sans cause puisque ce qui est à l’origine du monde des étants et ne peut être créé. La présence éternelle de l’univers est sans pourquoi et inaccessible à l’explication. Et cela d’autant plus qu’il n’y a pas eu genèse du monde comme le suppose la plupart des religions et mythologies. L’univers est incréé, il est sa propre cause.
Ici physique et philosophie se rejoignent dans une même incompréhension, un même silence