De nombreuses mamans éprouvent des idées morbides, qui peuvent parfois devenir inquiétantes. Comment réagir ?
« J’ai le plus beau trésor dans les bras : mon petit bébé de deux semaines, et je suis malheureuse. Parce que je n’ose pas parler de ce qui me préoccupe et m’inquiète : depuis la naissance de Capucine, je pense sans arrêt à la mort et ça me fait peur », témoigne Manon, 34 ans.
Fréquente chez les jeunes mamans, ces angoisses liées à sa propre mort restent pourtant souvent tues. Comme un sujet tabou et inquiétant qu’il ne faut pas révéler, de peur de paraître anormale auprès de ses proches.
Résultat : les angoisses s’incrustent et peuvent devenir handicapantes au quotidien.
Ces craintes sont bien différentes du syndrome du post-partum — le baby blues puisqu’il ne s’agit pas d’une simple tristesse due à un dérèglement hormonal ou à la fatigue de l’accouchement, mais de réelles angoisses psychologiques qui se focalisent sur le thème de la mort.
Il faut dédramatiser !
« Je sens que je suis lasse, sans énergie, ni tonus. Pire, je dois paraître complètement heureuse et épanouie chaque fois que je reçois une visite et que l’on me félicite pour ma « si belle petite fille » ». explique Charlotte.
Cette situation devient très pesante parce que j’ai l’impression de ne pas être comme toutes les autres mamans, fière et complètement épanouie d’être mère… »
Pourtant, il faut être compréhensive envers soi-même. Dès que l’on traverse un moment difficile, avec des pensées sombres, on imagine qu’on n’est pas normale et qu’on doit se faire soigner.
Mais ces angoisses sont tout à fait compréhensibles et doivent être considérées avec indulgence. On ne peut pas être tout le temps heureux !
Autrement dit, éprouver des sensations contradictoires, comme la joie d’une naissance et la peur de la mort, est légitime. Il suffit parfois de comprendre les raisons de ces pensées noires pour que les angoisses de la jeune mère se dissipent.
Changement de génération
Quand la femme vient de donner naissance à son premier enfant, elle n’est plus « l’enfant de… », mais devient « le parent de… ». Bref, « elle adopte une nouvelle place dans la chaîne des générations.
Elle prend conscience de sa propre mort. Parce qu’elle sait que quelqu’un va lui succéder et survivre après sa mort.
Cette situation est très bouleversante, puisqu’il y a peu de moments (fort heureusement) où l’on prend réellement conscience de sa propre fin. Ce constat survient aussi quand on perd ses parents, car on se retrouve alors comme le prochain à disparaître dans la chronologie des événements… Mais partager sa peine et ses angoisses est, dans ce cas, facile et compréhensible pour l’entourage. Ce qui ne l’est pas quand on vient de donner naissance à un enfant.
Une lourde responsabilité
Ces angoisses morbides peuvent aussi s’expliquer par la forte responsabilité liée au fait de devenir parent puisque la jeune maman se retrouve à jamais psychi-responsable de son enfant.
Quelle que soit sa relation avec lui, ils resteront tous les deux liés à l’autre : il n’y pas d’ex-parent, comme il peut y avoir une ex-femme ou un ex-mari. Le lien avec son enfant représente le seul et unique lien qui soit définitif !
Ce nouveau statut de mère pare ainsi la jeune maman d’un rôle irrévocable qui la rend, aujourd’hui et dans un futur proche, nécessaire à la survie de son petit.
« S’il venait à m’arriver quelque chose, je ne serais plus seule à en assumer les conséquences. «
Elle entrevoit alors sa possible disparition sous un nouveau point de vue :
« Mon enfant a besoin de sa mère. Que se passerait-il si je venais à disparaître ? ‘
Un monde d’incertitudes
Mais donner naissance, c’est aussi admettre que l’on ne peut pas tout maîtriser. Or, pendant les neufs mois de la grossesse, la future maman a l’impression de contrôler les événements extérieurs sur l’évolution de son bébé.
Ce qui n’est pas le cas après l’accouchement, puisque son bébé, si petit et si fragile, se trouve alors exposé aux aléas extérieurs :
« Que va devenir mon enfant dans un monde pareil, avec une telle insécurité ».
Conséquence : les angoisses de la maman se fixent sur une pensée morbide, comme seul exutoire possible de sa peur.
Quand consulter ?
Les angoisses et la peur sont des réactions positives du psychisme. Elles permettent de réagir efficacement face à certains stress et d’anticiper ou d’éviter des situations à risques. A condition qu’elles n’envahissent pas trop le quotidien de la maman.
Si la jeune mère a des pensées noires qui la traversent de temps à autre, elle va peu à peu les accepter et les transformer de façon à prendre conscience de son nouveau statut de mère. Tout sera alors une question de dosage.
Si elle doit combattre en permanence ses pensées et a l’impression de dépenser une énergie considérable dans ses gestes de tous les jours… alors, il faut réagir.
Le mieux est d’en parler à votre médecin généraliste, ou à votre pédiatre.
Ce sont eux qui évalueront le poids de vos angoisses et vous indiqueront si vous devez consulter un spécialiste pour vous aider à traverser ce cap de la maternité.