Comme l’exposait Naomi Klein en tentant de taper très maladroitement sur le capitalisme dans son pensum rigolo La Stratégie du Choc, pour l’État, s’il y a bien une constante, c’est qu’il serait vraiment dommage de gâcher une bonne crise : tout est bon pour accroître ses prérogatives, même et surtout si son échec est pourtant évident. La situation courante n’échappe pas à la règle.
Pour des raisons évidentes et devant l’ampleur de l’émotion déclenchée après les attentats du vendredi 13 novembre, il aura fallu attendre plusieurs jours pour que se mettent en place les premières tentatives de récupération, mais ça y est, elles déboulent et elles sont bien grassouillettes. Là encore, pour des raisons évidentes de sclérose intellectuelle très avancée dans le pays, ces récupérations sont très majoritairement le fruit du Camp du Bien ou des autorités elles-mêmes, toute tentative de la part des autres factions politiques étant généralement fustigée ou ridiculisée.
À raison, du reste, comme le montrent les consternantes déclarations de Baroin, président de l’association des maires de France, manifestement en roue libre, qui profite des événements pour tenter de pousser une loi interdisant les crèches de Noël en mairie, et qui vise à étendre la notion de laïcité dans les plus infimes interstices d’une République laïcarde de combat.
Du côté du Camp du Bien, on procèdera plus subtilement, par petites touches juxtaposées permettant de brosser le tableau pointilliste d’une récupération habile de l’ensemble du phénomène sans que personne ne couine.
Arbitrairement, ça pourrait commencer avec l’un de ces experts / journalistes / philosophes qui déboiterait de l’article enflammé pour relier ces abominables attentats avec le turbolibéralisme et la société de consommation, dans l’ample mouvement du patineur bourré perdant l’équilibre avec un salto arrière carpé. Pour ce genre de contre-performance artistique, il faut un cador et ça tombe bien, Bernard Stiegler, hôte régulier de ces colonnes, est, d’expérience personnelle, tout à fait apte à parler de ces gens qui se radicalisent en prison et en sortent pour raconter n’importe quoi : pour lui, c’est évident, c’est sur les ruines de l’ultralibéralisme que se construit la radicalisation.
Ensuite, une fois les piposophes et autres bricolos de la sémantique pliable écartés, on peut attaquer les membres du gouvernement qui commencent à avoir des choses à dire. Ici, point n’est besoin de revenir sur les discours vasouillards du Premier Ministre, tout le monde les connaît. Avouez quand même que lorsqu’il demande officiellement que le Conseil Constitutionnel ne vienne pas fourrer son nez dans son bel état d’urgence, on est en droit de se demander si tout ceci va très bien se terminer.
En revanche, on pourra prendre quelques minutes de franche rigolade en allant lire la prose de notre cultureuse officielle, Fleur Pellerin, qui ne pouvait très clairement pas laisser passer une si triste occasion de nous montrer l’étendue de sa verve. Dans un texte au lyrisme qui sent bon la Cajoline, elle nous explique que « la culture est une arme de destruction massive contre l’obscurantisme » et compte bien, dans ce contexte, pilonner l’État Islamique avec toujours plus de spectacles et de culture, et embraye en rappelant que
« les publics et les artistes pourront compter sur l’État pour assurer leur sécurité et soutenir les salles les plus fragiles dans ces moments difficiles. Les terroristes veulent brûler les livres : nous ouvrirons toujours plus les bibliothèques. »
Je résume sans même déformer : pour lutter contre Daesh, on va faire péter le champibulle et les festivals comme jamais. Et rassurez-vous : l’Etat assurera la sécurité, comme au Bataclan. Oh, wait, non, en plus mieux fort solide tout ça, forcément, hein, pas de méprise. Ahem. En tout cas, nous allons ouvrir des bibliothèques comme d’autres des paquets de chips à l’apéro, et tout ça avec l’argent qui va pleuvoir du ciel. C’est übergénial.
Et comme l’étage ministériel n’est qu’une étape avant les apothéoses qui nous attendent dans les prochains mois, il n’est pas inutile de regarder ce qui se met en place d’ores et déjà. Par exemple, il semble maintenant évident que l’occasion sera trop bonne pour laisser tranquille à la fois les technologies de cryptage et les technologies de monnaies numériques et on prépare donc l’opinion publique à leur mise en couple réglée.
Pour cela, on expliquera dans de magnifiques articles aussi peu étayés qu’ils sont, en revanche, fort détaillés, que les technologies de cryptage permettent aux méchants de dialoguer entre eux (on parle des terroristes, hein, pas des États qui sont des gentils). Pour Bitcoin, on n’aura qu’à supputer qu’il serait la monnaie de choix pour acheter des choses louches anonymement donc des armes, et ce même si d’écrasantes évidences et le simple bon sens portent à croire que les armes des terroristes sont en réalité achetées avec des euros, ceux-là même qui servent aussi pour la drogue, la prostitution et le cabas de la ménagère, mais qui, eux, ne dérangent pas trop les autorités.
Enfin, on laissera toute latitude aux autorités européennes pour clore la marche funèbre des récupérations sans vergogne. Avec toute la logique qui caractérise un organe politique qui doit à tout prix justifier, chaque jour, de son existence, la Commission a ainsi profité des événements pour proposer de renforcer encore, s’il était possible, la législation des armes à feu dans l’Union, ainsi que mettre en place de nouveaux contrôles aux frontières, et un fichage des passagers, à la mode américaine.
Il faut dire que ce fichage, ayant permis aux Américains d’arrêter exactement 0 terroriste, laisse augurer d’une excellente efficacité en Europe, dont tous les terroristes sont déjà issus et n’ont absolument pas eu besoin de prendre le moindre avion pour commettre leurs abominations.
Il faut dire que renforcer la législation sur les armes à feu promet une grande réussite puisque les armes qui servirent à tous les attentats depuis 20 ans au moins avaient toutes été proprement enregistrées et étaient détenues légalement par les terroristes qui, s’ils veulent faire peur, ne manquent jamais une occasion de remplir correctement l’ensemble des cerfas qu’on leur soumet (leur dévouement à ces paperasseries est parfaitement diabolique, à l’évidence).
Bref, on le comprend, ces attentats ont suffisamment choqué l’opinion pour qu’à présent, toutes les mesures passent. Absolument toutes, même les plus débiles, les plus outrageantes, les plus en décalage avec le bon sens, toutes passent avec sinon l’assentiment au moins l’apathie d’un public qui trouve tout ceci presque normal. Même les mesures les plus liberticides, mêmes celles dont les implications sont les plus lourdes de conséquences si elles sont dans les mauvaises mains, tremblotantes ou non, passent sans le moindre cri.
Forcément,…
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