Confirmant la précédente rumeur d'une profonde réorganisation de son réseau d'agences en France, Société Générale inscrit en réalité cette initiative dans un vaste programme de transformation : « Client 2020 ». Écartelé entre une vision réaliste et une mise en œuvre trop conservatrice, l'ensemble laisse une impression plutôt mitigée…
Dès son introduction, l'ambition exprimée sonne comme une rengaine : « ré-inventer une relation de proximité avec le client en alliant le meilleur de l'humain et du digital » constitue le seul positionnement stratégique dont semblent aujourd'hui capables les banques françaises. Nul besoin de décodeur pour comprendre le message. Il s'agit d'accepter et prendre en compte la réalité de la révolution numérique, sans remettre (trop) en cause le modèle historique de l'agence et du conseiller humain.
Les constats dont émane la vision de Société Générale sont incontestables. Les interactions des clients avec leur banque passent de plus en plus par les canaux à distance, mobile en tête. À l'inverse, la fréquentation des agences et les contacts en face à face sont en baisse constante. Pourtant, il subsiste cette conviction absolue – et hélas rarement questionnée, ne serait-ce qu'à titre de gymnastique intellectuelle – que le recours à un conseiller est indispensable dans les grandes occasions.
Malgré tout, les lignes commencent à bouger. Quand, par exemple, L'Appli SG permettra (en 2016) d'ouvrir un compte courant ou un livret d'épargne, ou encore de souscrire un crédit à la consommation, en toute autonomie, la banque reconnaît que ces opérations ne requièrent pas un accompagnement de proximité, au moins pour une partie de la population. Le débat – jusque alors relativement théorique – autour de la transition vers un conseil focalisé sur l'expertise prend ici une certaine consistance.
La rationalisation des réseaux que prépare Société Générale doit justement contribuer à cet objectif. Grâce à la concentration des agences, les clients y trouveront (presque) toujours les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs projets. En parallèle, les discours s'orientent sur les moments importants (entrée dans la vie active, mariage, acquisition immobilière, retraite…) plus que sur les produits financiers qui les facilitent, même s'il reste du chemin à parcourir en la matière (cf. la vidéo ci-dessous, notamment).
La réorientation opérée implique également quelques rattrapages technologiques. Le programme « Client 2020 » comprend donc une modernisation du parc de GAB et, plus largement, la création d'espaces de libre service, de manière à ouvrir l'accès à une large palette de services bancaires sur des horaires étendus. Dans le même esprit, et pour faire le pont entre « digital » et humain, une option de visioconférence avec un expert devrait faire son apparition (en agence ? dans l'application mobile ?).
Autant de petits pas qui obligent à se souvenir que Société Générale avait déjà, en 2010, lancé [PDF] un vaste programme « Ambition 2015 », axé sur le renforcement du réseau d'agence et la relation multi-canal… Force est de constater que les résultats n'ont pas été totalement au rendez-vous. Ce qui amène logiquement à se poser la question de la valeur – au-delà de la seule communication institutionnelle – de ces plans quinquennaux, qui perdent encore plus leur sens dans un monde en perpétuel changement.
Il ne serait certainement pas inutile de garder en mémoire, entre autres, l'échec du projet de convergence des Systèmes d'Information du groupe, en partie dû, selon les sources citées par un article des Echos par l'impossibilité de prévoir les évolutions du monde pendant les longues années que prend l'implémentation trop monolithique des transformations pharaoniques décidées en haut lieu. La leçon à tirer de cette expérience est simple : si la définition d'une ligne directrice à moyen terme est indispensable pour fixer un cap, l'agilité dans sa mise en œuvre est absolument critique.
Il reste enfin un dernier motif de perplexité vis-à-vis de l'initiative de Société Générale. Tous les efforts semblent en effet porter sur les points de contact avec les consommateurs (agence, GAB, web, mobile…). Mais qu'en est-il du cœur bancaire ? Rien ne laisse entrevoir que les systèmes historiques sont ou seront modernisés (une enquête de Gartner confirme d'ailleurs qu'une telle négligence est courante). Or, une relation client moderne reposant sur des fondations conçues pour une autre ère présente bien des risques (faut-il constamment rappeler les déboires de RBS ?)…