Parmi toutes les mesures adoptées hier sans grande résistance malgré les discours tonitruants de certains (non suivis d’actes…) contre cet état d’urgence privateur de libertés, il en est une à laquelle je voudrais tout particulièrement m’intéresser ici : celle concernant le port d’arme par les policiers en dehors du service. Quand on sait quelles sont les contraintes multiples dans lesquelles ces agents de l’état évoluent, on ne peut qu’être préoccupé pour plusieurs raisons, relatives au malaise général éprouvé (et confirmé) dans la police. Globalement, on sait que la souffrance au travail parmi les forces de l’ordre est un phénomène massif, non négligeable. Les cas de dépressions, de démotivation, de démobilisation n’y sont pas rares, au point que certains aillent jusqu’à tenter de mettre fin à leurs jours, parfois avec leur arme de service, d’ailleurs… De plus, comme on a pu l’observer après l’attentat de Charlie Hebdo, tout dispositif d’exception et d’alerte générale entraîne ipso facto une mobilisation supplémentaire importante, qui va jusqu’à la privation de congés pour les forces de l’ordre, sur des durées très longues, ce qui entraîne une fatigue supplémentaire potentiellement dangereuse pour le policier lui-même comme pour la population. Ce point précis est à prendre en compte impérativement pour la sécurité publique dont ils sont des rouages essentiels. Déjà, les syndicats de police sont sur le pied de guerre sur ce sujet, comme à Toulouse où ils ont rencontré leur hiérarchie, s’alarmant de ce qu’ils avaient déjà du, aussitôt après Charlie, se priver de congés pour se rendre disponibles pour assurer leurs missions à Sivens… avec les conséquences que l’on sait (bien qu’en l’occurrence, ce soit un gendarme, et non un policier qui soit à l’origine de la mort de Rémy. Qu’importe, au vu du funeste résultat, que les autorités ont tenté de dissimuler). C’est pourquoi un député (PS) plus avisé que d’autres s’exprimait en ces termes en découvrant cette mesure :
« Quand [les policiers] sont en repos, ils sont souvent fatigués, et on sait par ailleurs leur fragilité — qu’on considère le nombre de suicides dans la police (…). Votre proposition permet-elle la sécurisation des armes à domicile, garantit-elle contre leur vol éventuel, leur utilisation dans des conditions illégitimes ? A vouloir faire trop bien, on risque de prendre une mesure qui va se retourner contre les policiers eux-mêmes. » – sourcePour une fois, je ne peux qu’être d’accord avec ce socialiste là… (Daniel Vaillant (PS, Paris) qui connait fort bien le sujet). Ceci est d’autant plus vrai quand on connait les conditions de travail parfois plus que sommaires dans lesquelles les policiers (et les gendarmes) évoluent, et même se débattent, au quotidien : épuisés, sans congés pendant de trop longues durées, sacrifiant perpétuellement leur vie privée, leur famille, sans mêmes parler de loisirs, allant jusqu’à utiliser leur propre matériel personnel, faute de moyens adaptés ¹, et en butte à des injonctions contradictoires et paradoxales de la part de leur hiérarchie. Ainsi, celle-ci leur demande parfois d’assurer le convoyage de prisonniers sur des zones géographiques très étendues, ce qui grève leur temps de travail sur zone et leurs missions d’investigations diverses. Dans ce contexte général, on ne peut donc que redouter une recrudescence de potentielles « bavures » à mon sens prévisibles. Qui sera le plus fautif, dans ce cas ? A chacun de prendre ses responsabilités…[NB. Et je ne parle même pas des violences policières, bien plus nombreuses que le gouvernement ne l’avoue, et du phénomène du racisme dans la police, également présent, allant jusqu’à l’apologie du nazisme…]¹ le matériel informatique qu’ils utilisent est parfois si désuet, par exemple, qu’ils viennent au boulot avec leur portable perso… Et ce n’est qu’un exemple.