Sur ce sujet, on attend la réponse du gouvernement… et des « forces vives » de notre pays.
Les attentats du vendredi 13 novembre à Paris, il faut le dire, l’écrire et le souligner si ce n’est le crier haut et fort pour que tout le monde entende bien (y compris ceux qui ne le veulent pas), ont fait de nombreuses victimes collatérales et indirectes. Voilà qui parait ressembler, de l’extérieur, en lisant ceci et apprenant cela, à un déferlement de haine raciste sans précédents. Ainsi, cette modératrice de sites de presse en ligne à qui Bastamag donne la parole, forcée de constater que « les commentateurs ont accordé peu de temps au recueillement et aux victimes pour très vite donner libre cours à la haine, aux rumeurs et aux complots. »
A force de traquer le racisme et les discriminations sur les réseaux sociaux, notamment sur facebook (mais pas que) je ne peux hélas que valider ces propos, qui ont un air de déjà vu, que bien d’autres que moi peuvent d’ailleurs confirmer. C’est pourquoi je suis d’ailleurs assez remonté contre les dirigeants de réseaux dits « sociaux » dans notre pays, et sur le laxisme incroyable de leur politique de modération. Cette vague de haine ne se limite cependant pas à internet. Elle est en train de se prolonger et de se déverser dans nos rues de manière très concrète. Le site Paris-Luttes info a ainsi dressé une liste impressionnante des agressions racistes recensées partout en France depuis les événements de vendredi dernier. Elle est plutôt impressionnante :
En région parisienne :
Tandis que de nombreux propos islamophobes sont rapportés ou lus sur les réseaux sociaux, certains passent à l’acte :
- A Ermont, des individus ont cherché à mettre le feu à la mosquée Arrahma dans la nuit de mardi 17 à mercredi 18. Ils ont transporté une poubelle jusqu’à l’un des portails d’entrée du lieu de culte et l’ont ensuite incendiée entre trois et quatre heures du matin. Le conteneur a été entièrement détruit et les flammes ont endommagé la grille donnant accès à l’arrière de la mosquée. Le compteur gaz, tout proche, a heureusement résisté. Dans le même temps, le mur d’enceinte a été couvert, sur une quarantaine de mètres, d’inscriptions islamophobes et de croix gammées. Les fidèles ont découvert avec effroi ces dégradations à l’occasion de la première prière du matin. [2]
- A Créteil, « une dizaine de croix et marques réalisées à la peinture rouge sang ont été découvertes ce samedi matin (14 novembre), à 5 h 30, par les fidèles musulmans qui se rendaient à la première prière dans la mosquée Sahaba, située à l’angle de la rue Jean-Gabin et de la voie d’accès à la route de Choisy. Apposées sur le sol, les murs, les panneaux d’indication, le menu du restaurant de la mosquée ou encore le parking adjacent, ces croix et marques rouges dégoulinantes n’étaient pas encore sèches lorsque les premiers fidèles sont arrivés à l’aube. » [3]
Ailleurs en France :
De nombreux actes racistes ont été remontés, certains seulement sous la forme de témoignages (comme au Mans ou à Bordeaux). Nous nous tenons ici au recensement de ceux pour lesquels l’information est vérifiée et mentionnée par la presse locale :
- A Cambrai, dans le Nord, le conducteur d’une voiture a tiré sur un homme d’origine turque, parce qu’il « avait une couleur de peau qui ne convenait pas au tireur », a indiqué le parquet. [4]
- A Barantin, en Seine-Maritime, un kebab a été vandalisé et des pierres ont été jetées sur la voiture de livraison et la vitrine. [5]
- A Blaye, en Gironde, une bande d’au moins cinq hommes ont attaqué le kebab « La Médina » à Blaye dimanche 15 novembre au soir. Vers 21 h 30, ces hommes sont arrivés en voiture. Ils ont commencé par des menaces de morts, et surtout des insultes racistes envers le gérant et son épouse, ils ont crié à plusieurs reprises « sales arabes » et « terroristes ». Ils étaient munis de plusieurs armes : batte de baseball, couteau, armes de poing et un ou plusieurs fusils, avec lesquels les assaillants ont tiré sur la façade du restaurant. [6]
- A Lyon, en Rhônes-Alpes, un jeune musulman a été agressé violemment par une dizaine d’individus issus d’un groupuscule radical identitaire. Le jeune Jassim, à peine 17 ans, a été lynché au sol pendant que les agresseurs se sont mis à lui crier « Islam hors de France », explique Abdelaziz Chaambi de la Coordination contre le Racisme et l’Islamophobie (CRI). C’est grâce à l’intervention d’un passant qui a dû lâcher son chien pour faire fuir les agresseurs que la vie de Jassim a été épargnée. Jassim s’en sort avec des vertèbres brisées, des contusions et des hématomes et s’est vu prescrire 30 jours d’incapacité temporaire de travail par le médecin. [7]
- A Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, une femme musulmane s’est fait agresser à la sortie du métro Castellane, dans le centre-ville. Un homme âgé d’une vingtaine d’années se serait jeté sur elle, faisant le lien entre le voile qu’elle portait -un hijab, laissant le visage apparent- et les attentats de Paris avant de lui donner un coup de poing et un coup de cutter au thorax. La jeune femme a été conduite à l’hôpital. [8]
Déjà samedi 14 novembre, en marge des rassemblements en hommage aux victimes des attentats de Paris, avaient été repéré plusieurs débordements.
- A Lille, dans le Nord-Pas-de-Calais, où 500 personnes défilaient, une quinzaine de militants du Front national, portant des drapeaux tricolores, ont scandé : « Expulsons les islamistes » et fait éclater des pétards. Plusieurs manifestants les ont alors repoussés, en criant « Dehors les fachos », et les ont hués, avant qu’une quinzaine de CRS s’interposent en formant un cordon de sécurité, selon l’AFP [9].
- A Pontivy, dans le Morbihan, le parti d’extrême droite breton Adsav a manifesté contre les migrants, réunissant 150 personnes au cri de « Breton, ouvre les yeux, ferme ta frontière ! » Un passant d’origine maghrébine a été frappé au sol par un groupe de militants d’extrême-droite. [10]
- A Metz, en Moselle, une dizaine de militants identitaires ont perturbé le recueillement d’un demi-millier de personnes devant le monument aux morts avec des pétards, des fumigènes et une banderole proclamant « Expulsons les islamistes » [11].
- A Reims, dans la Marne, un groupe d’une dizaine de personnes a perturbé l’hommage aux victimes. Il s’est positionné devant la cathédrale avec une grande banderole sur laquelle on pouvait lire : « On est chez nous islamisation hors de notre nation » en criant et en faisant des saluts nazis. [12]
On recense aussi de nombreux tags islamophobes. Les cas de plusieurs mosquées vandalisées ont été remontés :
-
A Aubagne, près de Marseille, une tête de sanglier a été accrochée sur les grilles de la mosquée de la ville [13].
-
A Oloron, dans les Pyrénées-Atlantiques, des tags d’extrême droite faisant référence à la LVF [14], un groupe militaire collaborationniste de la seconde guerre mondiale, ont été écrits sur une boucherie halal et la mosquée de la ville.
-
A Pontarlier, en Franche-Comté, une croix gammée, et des tags « La France aux Français » et « Libéré la Gaule » ont été découverts sur les murs de la mosquée de la ville, déjà vandalisée à plusieurs reprises dans le passé. Du jambon a aussi été déposé devant le lieu de culte [15].
-
A Brest, dans le Finistère, dans la nuit de dimanche à lundi, deux coups de feux ont été entendus à proximité de la mosquée du quartier de Pontanezen, rapporte France Bleu Bretagne, citant la police. [16]
-
A Evreux, en Haute-Normandie, ville qui ne dispose pas de mosquée, des tags racistes « Mort aux musulmans », « la valise ou le cercueil » ont été inscrits sur la façade de la mairie et en différents endroits de la ville, a rapporté la municipalité samedi 14 novembre [17]
Libération fait état lui aussi d’une série d’agressions racistes (qui touchent à la fois les musulmans mais aussi les juifs) sur Marseille ces derniers jours qui vient compléter utilement cette liste de Paris Luttes Info. Et ce n’est pas fini… Si personne ne fait rien, et que le gouvernement en bloc ne prend pas en compte de manière plus probante ce phénomène de tensions inter-communautaires particulièrement préoccupant en l’attaquant frontalement, comme il le fait pour la violence terroriste, cela risque d’aller crescendo… Jusqu’à la guerre civile ? Jusqu’à la victoire finale du camp du mal ? A vous de voir… et surtout d’agir. Ou pas… Mais dans ce cas, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas. Les brutes de toutes sortes, quelles qu’elles soient, d’où qu’elles viennent, doivent être contenues, d’une manière ou d’une autre. La sécurité, c’est aussi ça, et ce doit être celle de tous, sans distinction. Devra-t-on dans le cas d’une inaction politique coupable, aller jusqu’à créer des brigades anti-fascistes pour contrer les milices identitaires, nationalistes et fascistes ? Le simple fait que cette idée (qui aurait pu paraître folle en d’autres temps, d’autres heures) m’effleure en dit long sur le degré de tension à l’œuvre dans notre pays. Urgent, agir.