Roland Weyl : « C’est aux Nations unies de régler son compte à Daech »

Publié le 19 novembre 2015 par Blanchemanche
#Daech #ONU

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR DAMIEN ROUSTELMERCREDI, 18 NOVEMBRE, 2015L'HUMANITÉ


UN Photo/Cia PakSpécialiste de la charte des Nations unies adoptée il y a soixante-dix ans, l’avocat Roland Weyl revient sur la légalité des opérations militaires en cours contre Daech et estime que l’ONU doit agir.Lundi, le président français François Hollande a réclamé, pour battre Daech, « un rassemblement de tous ceux qui peuvent réellement lutter contre cette armée terroriste » et annoncé qu’il rencontrerait ses homologues américain et russe, Barack Obama et Vladimir Poutine. Que vous inspire cette coalition internationale antiterroriste sans mandat de l’ONU ?Roland Weyl Daech représente une agression permanente contre le peuple syrien et irakien. Et maintenant contre tous les peuples. Ce n’est pas un État, mais une bande armée qui menace la paix mondiale. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait intervenir. Ce n’est pas aux États-Unis, ce n’est pas à nous d’envoyer des frappes contre Daech. Nous ne sommes pas chargés de la police mondiale. Il faudrait que ce soit le Conseil de sécurité de l’ONU, doté d’une force internationale fournie par les Nations unies et sous la direction de son propre état-major, qui règle son compte à Daech. Ce serait beaucoup plus clair et cela respecterait la charte des Nations unies.
Que dit précisément ce texte, dont on s’apprête à commémorer le soixante-dixième anniversaire, et que vous tenez à différencier de l’ONU ?Roland Weyl Il existe une différence fondamentale entre la charte des Nations unies et l’Organisation des Nations unies. Il n’existe pas d’organisation miracle, pas plus que de sauveur suprême. Une organisation est un outil. Il ne peut pas y avoir de pouvoir d’un outil mais il y a un pouvoir par l’outil. C’est comme si, pour la circulation routière, il n’y avait que des gendarmes et pas de Code de la route. Ce qui compte, c’est la loi. La charte des Nations unies a été signée en 1945. Elle établit pour la première fois un droit international universel et égalitaire, alors que, jusque-là, il n’y avait que des rapports de forces entre les puissances. L’ONU a été mise en place un an plus tard, pour appliquer les principes de ce texte. Cette charte donne aux peuples, victimes des guerres, le pouvoir. Les États sont leurs instruments et l’ONU, le lieu où ils « unissent leurs efforts ». Malheureusement, nous assistons à la volonté actuelle du capitalisme mondialisé de récupérer l’ONU à travers la perversion et la manipulation des États. Ces derniers veulent faire de l’ONU leur instrument de gouvernance mondiale sur les peuples.
Le droit de veto, dont disposent cinq pays au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, n’empêche-t-il pas la mise en application de la charte des Nations unies ?Roland Weyl Absolument pas. D’abord, ces cinq pays ne constituent pas un directoire à l’ONU. C’est faux. Il n’ont pas d’autre droit que le droit de veto. Celui-ci n’existe pas dans la charte car il serait contraire au principe d’égalité entre les nations. Pour faire la guerre, il faut l’accord de ces cinq pays au nom « du principe d’unanimité ». Sauf lorsqu’un pays pratique la « chaise vide », comme ce fut le cas avec l’URSS et la guerre de Corée, menée sous mandat onusien sans l’accord de Moscou, en vertu de l’interprétation de la charte faite par la Cour internationale de justice (CIJ). Mais ce veto de fait est utile. Lors de la deuxième guerre d’Irak (en 2003), des manifestants pacifistes ont réclamé ce veto. Celui-ci est fait pour empêcher le Conseil de sécurité de dépasser ses compétences. Il ne doit pas intervenir dans les affaires intérieures des États. Il doit simplement maintenir la paix ou rétablir la paix contre des agressions. En ce qui concerne la lutte contre Daech, je vois mal un des cinq membres permanents utiliser son droit de veto.
En attendant que la France saisisse le Conseil de sécurité de l’ONU pour adopter une résolution pour « lutter contre le terrorisme », quelle est la légalité des opérations militaires en cours ?Roland Weyl C’est la négation pure et simple de la loi internationale. On est revenu à l’époque du rapport entre les puissances.Roland Weyl, est vice-président de l’Association internationale des juristes démocrates (Aijd).http://www.humanite.fr/roland-weyl-cest-aux-nations-unies-de-regler-son-compte-daech-589983