Montmartre, Montmartre… S’il est un lieux que les Parisiens aiment secrètement, adulent peut-être même, sans toutefois jamais l’avouer, c’est bien Montmartre.
Et pour cause, si le quartier est un des plus touristiques de Paris, il semble être aussi un des moins sincères. Malgré sa grande concentration de peintres dessinateurs (morts et vivants plus ou moins talentueux), il n’est peut-être pas l’endroit le plus pittoresque au sens bien littéral de ce qui est digne d’être peint. Entre des rues aux allures de décor de cinéma peuplées par des restaurants, dessinateurs, garçons de café d’un temps qui se voudrait ancien et tangible car les gens qu’on y croise sont pourtant bien vivants, le quartier ne se lasse pas de laisser un goût étrange lorsqu’on se rend compte que, finalement, c’est tout de même beau Montmartre.
Mais pour comprendre et peut-être mieux apprécier les visages de ce quartier, il importe de regarder un peu son histoire. Cette dualité que l’on ressent à Montmartre n’est en effet pas uniquement liée aux hordes de touristes qui assaillent les marches du Sacré-Coeur la nuit tombée. Pour cela, rien de mieux que Henri Guillemin, dont vous avez peut-être déjà entendu parler. Cet historien à l’érudition savoureuse et à la pédagogie rare vous raconte la Commune de 1871 à Paris juste ici. Nous n’allons pas le paraphraser, mais retenez alors seulement que Montmartre a été le lieu historique de rassemblement des communards et qu’environ 30 000 d’entre eux ont trouvé la mort en environ une semaine lors de la reprise de Paris par les Versaillais. Qu’après leur défaite, une église gigantesque (le Sacré-Coeur) a été construire juste à l’emplacement de ces combats par les royalistes vainqueurs pour louer la Vierge Marie… à l’endroit même où vivaient des familles, des groupes qui avaient été décimés.
Enfin, c’est aussi au cours de la Commune que Montmartre est devenue une carte-postale vivante puisque, alors même que tout y brûlait, les premiers tour-operators anglais proposaient aux riches bourgeois des voyages pour aller voir une ville contemporaine en ruines.
C’est avec cet oeil averti de la complexité des lieux et de l’histoire que vous pourrez donc gravir les hautes marches, ou emprunter la longue et serpentante rue Lepic, ou encore monter à bord du funiculaire, pour accéder à la place du Tertre. Là, dirigez-vous vers un l’espace Dali pour une exposition un peu ambiguë… à la figure de Montmartre si vous suivez bien.
En effet, le musée propose jusqu’au 03 janvier 2015 une exposition temporaire autour de la collaboration entre Dali et la cristallerie nancéienne Daum. Présentant de nombreuses pièces issues de travaux débutés en 1968 comme la célèbre Vénus aux tiroirs (1989), l’Anti-Fleur (1971) pensée comme équivalent d’une anti-matière aux Fleurs du Mal de Baudelaire, ou encore l’Oeil de Pâques en cristal bleu (1969), l’exposition réunit aussi d’autres variations d’artistes comme un pouce en cristal transparent de César (1985), une Vénus de Milo revisitée par Arman avec l’Âme de Vénus (2009), ou encore un rhinocéros évidé et à la surface morcelée avec Mundo Rhino de Richard Texier (2008). La scénographie est aérée et permet d’appréhender le travail des maîtres verriers qui ont produit ces pièces aux couleurs particulières.
Débris d’une automobile, Salvador Dalí © Daum
Néanmoins, on aura bien compris que c’est la Maison Daum qui vint chercher l’artiste espagnol en 1968 pour lui proposer une collaboration destinée à valoriser une image ayant besoin de se dynamiser plus de soixante ans après les travaux avec Majorelle et Gallé, les maîtres de l’art nouveau de Nancy au début du siècle dernier… C’est la raison pour laquelle on dépassera l’aspect purement décoratif et parfois un peu gratuit de certaines pièces pour s’intéresser, ayant conscience de ces contraintes, à l’explication des techniques des maîtres verriers nous permettant d’apprécier ces pièces sous un autre jour : celui de l’artisanat d’art.
C’est ainsi qu’une vidéo permet de se familiariser avec les lieux de production de ces pièces et qu’on est heureux de pouvoir trouver des informations non seulement sur les méthodes de fabrication mais aussi sur les acteurs, les artisans eux-mêmes, présents sur les photographies.
Troya, Carlos Mata © Daum
C’est donc en s’efforçant de poser un large regard qui tient compte de la complexité que l’on peut dépasser ces situations trop vastes aux allures de clichés… et y apprécier ce qui est sincère, singulier. Alors, écoutez, tendez l’œil et débusquez ce qui compte vraiment : les petites trajectoires, modestes et riches au sein d’une Histoire souvent trop grande qui ne peut que les neutraliser si on n’y prend pas garde.
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Espace Dalí à Montmartre
11 Rue Poulbot, 75018 Paris
Ouvert les jours de 10h à 18h
Tarif plein : 11,50€ ; Tarif réduit : 6,50€
http://daliparis.com/
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