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Vendredi 19 novembre 1915. Chaque jour qui vient m’apporte une certitude de plus et je n’ose y croire

Par Cantabile @reimsavant

Mon Charles, j'ai reçu une lettre de Charlotte. Elle a vu Camille Dornique. Il assistait au combat d'Autrèches. Il lui a dit que les boches étaient aux fenêtres des maisons, les civils sur le trottoir, et tiraient sur tout Français qui approchait. C'est en approchant, raconte-t-il, que tu as reçu une balle au front. Il dit qu'il n'en sait pas plus. Mais Dodou, son frère, dit à qui veut bien l'entendre que tu as été tué. Chaque jour qui vient m'apporte une certitude de plus et je n'ose y croire. Si tu voyais ta toute petite, son premier mot en se réveillant, c'est 'papa', d'une toute petite voix si douce. A certains moments je voudrais l'appeler Charlotte mais tit frère dit toujours " C'est ma sœur Marie Blanche ". C'est une petite contrariété pour moi. Il me semble que ce nom là ne plait pas complètement à tout le monde. C'est long à dire. Je crains que toi aussi tu penses pareil. Mais pourquoi, quand je leur ai demandé à sa naissance, ont-ils eu l'air content ? Me voyant dans l'impossibilité d'en chercher un, ils auraient dû me le dire. Chez vous on l'appelle Marie tout court. Si je savais vraiment que cela leur déplait, je l'appellerais tout de suite Charlotte.

Je suis bête vois-tu mon Charles ; c'est une chose à laquelle je ne devrais pas m'arrêter vu le grand malheur que j'ai. Je crois que je fais un peu de neurasthénie. Tout m'ennuie, je vois tout en noir et je deviens méchante. Oh si tu pouvais me revenir !

Je t'aime tant mon Charles. Mon cœur t'appartient pour toujours.

Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) - Lettres prêtées par sa petite fille Sylviane JONVAL

De sa plus belle écriture, Sylviane Jonval, de Warmeriville a recopié sur un grand cahier les lettres écrites durant la guerre 14-18 par sa grand-mère Hortense Juliette Breyer (née Deschamps, de Sainte-Suzanne) à son mari parti au front en août 1914 et tué le 23 septembre de la même année à Autrèches (Oise). Une mort qu'elle a mis plusieurs mois à accepter. Elle lui écrira en effet des lettres jusqu'au 6 mai 1917 (avec une interruption d'un an). Poignant.(Alain Moyat)

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