De la boue du campement de la porte de Saint-Ouen s'est formé un groupement spontané. Des " filles " qui veulent remuer les pouvoirs publics.
Elles sont venues me raconter : douze femmes qui ont réussi à trouver un toit à quarante réfugiés et à bouger les pouvoirs publics. Douze citoyennes se définissant comme telles. Le théâtre et le féminisme les relient ; elles sont toutes autrices (elles tiennent au féminin), metteuses en scène, comédiennes ou administratrices ; et utilisatrices de Facebook.
Le 15 septembre, Carole Thibaut y poste un long témoignage : ce qui se passe sous ses fenêtres, porte de Saint-Ouen, un campement, des enfants dans la boue. Pauline Peyrade décide d'y aller. Et puis Carine Lacroix, et Alexandra Badea, et Julie Ménard, et Lison Pennec, et Soraya, et Marie Payen, et d'autres, Alexandra Lazarescou, Marie-Laure Malric, Agnès Princet, Malika-Pascale Ouadah.
Elles ne sont ni une association ni un collectif, plutôt un groupement spontané, mues par un besoin d'agir, de "sortir de l'impuissance". Elles ne se connaissaient pas, ou de nom par leur milieu professionnel, elles ont entre 30 et 50 ans. Ça commence en ligne par les besoins à coordonner, d'abord des "tentes, couvertures, couches, serviettes hygiéniques, shampooing". Et une petite cagnotte récoltée entre elles et leurs proches. Ce qui les choque le plus sur le campement, ce sont les enfants, une trentaine, bébés, ou petits, jusque vers 11 ans.
Les vêtements, très vite, débordent de partout. La gale se répand. Quelques hommes, démunis mais plus forts, font du trafic : 1 euro le vêtement propre. Au passage, elles se font traiter de naïves ou de "bourgeoises blanches". Moi, je vois des "filles" (comme elles se nomment aussi elles-mêmes), peu argentées, vivant dans les quartiers de Paris où on peut se loger avec ce que rapporte le théâtre quand on n'est pas une star.
Des riverains et beaucoup d'associations de toutes cultures sont déjà sur place. Certaines associations, qui travaillent avec des méthodes plus rodées et ont parfois d'autres idéaux, regardent ces "filles" avec condescendance. Mais elles n'attendent pas le Grand Soir ( "Ça, c'est la révolution de papa", dit Marie), leur but à elles, c'est de remuer les pouvoirs publics. Elles ont compris qu'il n'est pas suffisant d'apporter les vêtements du petit dernier et des thermos de café, même si ce luxe élémentaire est très apprécié sur le campement. Elles sont parvenues, en mobilisant du monde et en manifestant, à convaincre la mairie de Paris que ne rien faire n'est plus possible. "J'ai réparé ma citoyenneté, dit Marie. Lutter m'a rendue heureuse."
Le campement de la porte de Saint-Ouen existe depuis longtemps, c'est un point de ralliement sur les réseaux sociaux syriens, et aussi de trafic et de mendicité. Les 150 nouveaux arrivants parlent arabe, aucun ne parle français. Ils se disent Syriens, mais certains racontent être arrivés par Melilla. "On a fait le choix d'une certaine candeur, dit Pauline, et de ne pas trier entre les réfugié(e)s et les autres."
Sur le campement, il y a aussi des Doms, les Roms du Proche-Orient. On débarque là comme Fabrice à Waterloo, sans comprendre. C'est d'ailleurs l'impression que me donne depuis le début (depuis quand ?) ce grand événement auquel nous assistons sans parvenir à le nommer : migrants, réfugiés, Aylan, Lampedusa, îles grecques, jungle calaisienne...
Voilà donc douze citoyennes de bonne volonté, avec sur elles, planqué dans leurs vêtements, l'argent de quelques nuits d'hôtel (il n'y a ni point d'eau ni toilettes sur le campement). Il est 11 heures du soir, il pleut, il faut éviter les chefs qui sauraient très bien revendre les chambres, il faut repérer les plus fragiles, enfants, malades, femmes enceintes, les atteindre, trouver des interprètes. "J'ai vu des enfants, raconte Carine, jouer à s'aligner mains sur la tête et à mimer des scènes de fouille..." Pauline : "On est restées trois semaines sur le terrain : l'insomnie, la fatigue, décrocher de nos boulots, ne plus voir nos proches... on ne sait pas gérer ça. C'est un vrai travail, et une responsabilité de pouvoirs publics."
Après leur rendez-vous avec Dominique Versini (l'adjointe au maire de Paris en charge de la solidarité), toutes les familles étaient logées à l'hôtel. Et pour les autres, des hébergements ont été trouvés dans le 77 et le 93. "On a ressenti ça comme une grande victoire. Mais toute provisoire. Il faut éviter de nouveaux Saint-Ouen." Pour poursuivre la mobilisation après le démantèlement, les "filles" ont instauré une veille citoyenne relayée par un journal de bord : la Veilleuse.
La veilleuse
La Veilleuse est née d'une action citoyenne menée par douze femmes sur le campement de réfugié-e-s syrien-ne-s de la Porte de Saint-Ouen. Afin de poursuivre la mobilisation, nous avons décidé de mettre en place une veille citoyenne et de créer un journal de bord visant à rendre compte des informations que nous récoltons sur le terrain et dans nos recherches. Nous espérons ainsi donner des outils et des renseignements utiles aux personnes souhaitant agir et attester d'une bienveillance civile à l'égard des réfugié-e-s, en porte-à-faux des idées reçues diffusées par les médias, qui nourrissent l'inquiétude des élu-e-s face à la montée du Front National, l'immobilisme des structures et le sentiment d'impuissance des particulier-e-s.
Nos actions se diviseront en cinq champs :
- Un suivi des familles qui ont été évacuées de la Porte de Saint-Ouen et placées dans des logements d'urgence dans le 77 et le 93 ;
- Une présence sur le terrain et des renseignements sur les urgences des nouveaux campements de réfugié-e-s et/ou de sans-papiers de Paris ;
- Une attention particulière aux dix-huit engagements du plan d'accueil annoncé par la mairie de Paris en octobre 2015 quant à l'accueil des réfugié-e-s et au logement des sans-abris ;
- Un dialogue avec la mairie de Paris afin de tenir informé-e-s les élu-e-s concerné-e-s de la réalité du terrain ;
- Un recensement des initiatives citoyennes et associatives de secours aux migrant-e-s.
Afin de nous aider dans notre action, n'hésitez pas à liker cette page et à partager les informations que nous publions. Plus La Veilleuse aura d'audience, plus nous serons crédibles auprès des institutions pour les pousser à agir.
Merci d'avance de votre soutien et de votre engagement.
Les Veilleuses
12 citoyennes
Pauline Peyrade étudie la mise en scène à la Royal Academy of Dramatic Art (Londres). En 2012, elle intègre le département Ecriture Dramatique de l'ENSATT, dirigé par Enzo Cormann et Mathieu Bertholet. La même année, elle crée la revue Le bruit du monde. Elle est l'auteure de Zéro Six Quinze, lauréat du Cross Channel Theatre, présenté en anglais au Soho Theatre (Londres) et mis en ondes sur France Culture en 2016 ; Vingt centimètres, lu à la Mousson d'hiver en 2014 et au Théâtre National de Toulouse en 2015 ; et Ctrl-X, mis en scène par Cyril Teste en 2016 et publié aux Solitaires Intempestifs. En 2015, elle propose deux pièces dans le Festival IN d'Avignon, EST, créée avec Justine Berthillot pour les Sujets à Vif, et TIR (je n'étais pas amoureux de toi), lue pour le projet Binôme. En 2016, elle devient auteure associée au CDN de Montluçon-Auvergne, dirigé par Carole Thibaut.
Carine Lacroix a suivi des études de lettres et les cours de théâtre de Jean-Laurent Cochet qui l'amène à jouer au théâtre, au cinéma et à la télévision avec Guy Jacques, Brigitte Roüan, Elisabeth Rappeneau, Claude-Michel Rome, Serge Meynard, Michel Didym.
Elle écrit alors des pièces de théâtre comme La Nuit des évadés en 2005, mise en scène par Jacques Bret avec la compagnie LLE à Marly-le-roi et Bougival et Le Café des roses en 2003, mis en scène par Marc Goldberg avec Sébastien Roch créé au Théâtre du Proscenium et repris au Théâtre d'Edgar. À l'occasion d'une résidence à la Chartreuse - Villeneuve-lès-Avignon en avril 2008, elle présente L'Insomniaque qui sera reprise en lecture au Théâtre de la Tête Noire, au Théâtre du Ring et au Théâtre de l'Éphémère. Burn Baby Burn a reçu le prix des Journées d'auteurs à Lyon en 2006, le prix Godot des collégiens et lycéens à Caen en 2007 et le prix du public du bureau des lecteurs de la Comédie-Française en juillet 2008. France Culture a organisé une lecture de Burn Baby burn au festival de Nîmes avec Lou Doillon en juillet 2007. Ce texte a été traduit en tchèque par Jaromir Janecek, en allemand par l'agence Rowohlt Verlag et en italien par Pino Tierno à l'occasion d'une lecture à Rome au festival In altre parole en septembre 2008. Burn baby burn est créée à la Comédie Française en 2010
Carine Lacroix a écrit le scénario du court-métrage À quoi tu joues ? réalisé par Alain Cigale (Le Grec productions) et de La Langue dans la poche en cours de réalisation (Néviva Productions). Elle a écrit pour la radio La Cabane réalisée par Étienne Haug dans le cadre du festival longueurs d'ondes de Brest en novembre 2009. En 2012 différents projets de Carine voient le jour : Simone et Sandy, Genre (édition de l'Avant-scène) pour le " Paris des femmes " au Théâtre des Mathurins, Écoute, pièce radiophonique pour France Culture et À cran, écrit dans le cadre de Résidence d'Ecrivains en Ile-de-France au Foyer des Jeunes Travailleurs de la Mie de Pain à Paris.
Alexandra Lazarescou, née en 1982 à Piatra-Neamţ en Roumanie, est auteure, dramaturge, comédienne, traductrice et interprète (roumain-français, français-roumain). Elle arrive en France en 1990.
Suite à l'obtention d'un DEA (Master 2) en philosophie de l'art à la Sorbonne (mention Très Bien), elle intègre le département d'écriture dramatique de l'E.N.S.A.T.T. (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre). Elle a été assistante à la dramaturgie au T.N.P sur Par-dessus bord de Michel Vinaver, mise en scène par Christian Schiaretti. En tant que critique de théâtre elle a collaboré avec Radio Campus Paris, Fluctuat, Nova Polska, Kourandart et écrit aujourd'hui dans B.A.T (le Billet des Auteurs de Théâtre). Elle a organisé et animé des conférences (théâtre, musée, université), tout en travaillant à la communication de diverses structures culturelles (éditions Théâtrales, Théâtre de la Cité Internationale de Paris, Festival Paris quartier d'été, Association Passion Théâtre, Théâtre de l'Étincelle à Avignon, Compagnie Europ'Artes).
Elle a également suivi une formation de comédienne au Conservatoire d'Art Dramatique du cinquième arrondissement de Paris sous la direction de Bruno Wacrenier et Solène Fiumani et à l'École du Jeu dirigée par Delphine Eliet. Durant ses études à l'E.N.S.A.T.T., elle obtient une bourse de recherche à l'École Nationale Supérieure de Théâtre et de Cinéma de Bucarest afin d'approfondir son projet d'écriture bâti autour de la dictature communiste de Ceausescu des années 1980.
Cette expérience donne naissance à une passion aiguë pour la traduction de textes roumains contemporains, à laquelle elle se consacre depuis 2008.
Depuis 2010, elle est membre du comité roumain de la Maison Antoine Vitez. En 2012, son texte Bec Kosmos reçoit les " Encouragements " du Centre national du Théâtre. En 2013, sa traduction d'Antidote de Nicoleta Esinencu reçoit l'Aide à la création du Centre national du Théâtre.
Elle a déjà traduit Mihaela Michailov, Nicoleta Esinencu et Gianina Cărbunariu. Ses textes et traductions ont été joués, lus ou mis en espace à la Scène Nationale du Petit Quévilly, à la Mousson d'été, à la Maison d'Europe et d'Orient, au Centre Culturel Théo-Argence, à l'ENSATT, au NTH8, au Festival " Regards Croisés ", à Confluences, en Avignon, à l'Atelier 210 de Bruxelles, au Théâtre de la Manufacture-CDN de Nancy, à la Chartreuse.
Elle répond aujourd'hui à des commandes d'écriture notamment pour la compagnie " Pièces Montées ", fait partie de plusieurs comités de lecture dont celui de la Mousson d'été, et travaille, en parallèle, avec le réalisateur français Jean-Jacques Beineix pour des projets de film documentaire et de théâtre.
Et les comédiennes Lison Pennec, Marie Payen. La comédienne et metteur en scène Marie-Laure Malric. Et aussi Malika-Pascale Ouadah, Agnès Princet, Soraya