Saluons cependant la décision des ayants droit d’avoir autorisé cette republication car elle permet à de nouveaux lecteurs de découvrir ce précieux témoignage.
Un des aspects les plus frappants de ce récit de six mois de détention est l’attention que manifeste le poète pour ses compagnons, qu’ils soient des droits communs ou des résistants. Soupault brosse le portrait de plusieurs d’entre eux, relate les circonstances qui les ont amenés en prison. On constate également que ces hommes lui manifestent leur confiance. Certes, ce prisonnier qui passe une bonne partie de ses journées à lire des dizaines de livres les étonne, ils le considèrent comme un type un peu bizarre, ils l’acceptent cependant comme un de leurs camarades et sont prêts à lui venir en aide si besoin est. « J’étais le plus vieux de tous les prisonniers sauf un, je lisais des livres qui leur paraissaient étranges, je passais pour être un écrivain. Ce dernier point les inquiétait et les séduisait. Mais la plupart s’imaginaient qu’un écrivain est un homme qui sait tout. Ils me posaient des questions qui prouvaient que pour eux je représentais une encyclopédie. Ils venaient me trouver pour corriger ou même rédiger leurs lettres, améliorer les rapports qu’ils remettaient à leurs avocats. J’étais devenu une sorte d’écrivain public. » Dans ce récit, on peut également lire tout le mépris que ressentait Philippe Soupault pour la racaille vichyste.
Et pour ceux qui, comme l’auteur de cette note, ont connu et aimé cet homme digne et généreux, c’est une émotion particulière de le retrouver dans ces pages. J’ai achevé la lecture du Temps des assassins quelques jours avant ce terrible vendredi 13 novembre.
Alain Lance
1. Flammarion, 2010
2 Photographe, journaliste et traductrice allemande (1901-1996) venue en France au début des années trente et dont les éditions Wunderhorn à Heidelberg ont fait redécouvrir l’œuvre. Dernière publication : Ré Soupault. Das Auge der Avantgarde.
3 Bernard Morlino, Philippe Soupault, Qui êtes-vous ?, La Manufacture, 1987
Philippe Soupault, Le temps des assassins, Collection L’imaginaire, Gallimard, 480 pages