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La mode retrouvée : la garde-robe de la Comtesse Greffulhe

Par Mpbernet

manteau d'agneau de Mongolie

On croit visiter une exposition de mode et on tombe sur le profil extraordinairement contemporain d’une des plus intelligentes femmes de son temps, et si ce n’est la plus belle, en tous cas – et de loin – la plus élégante aristocrate de Paris.

le lis

en robe de soirée

Elisabeth de Riquet de Caraman-Chimay (1860 – 1952), fille de Marie de Montesquiou-Fezensac,  et du prince de Caraman (donc également arrière-petite-fille de Thérésa Cabarrus, Madame Tallien,  épouse à 18 ans le comte Henry de Greffulhe – prononcer Gréfeuille – immensément riche, brutal et colérique, qui la trompera ignominieusement. Elle restera d’une vertu irréprochable, jusqu’à son veuvage en 1932.

8-Beauchez-robe-longue

dans la robe de Mme Tallien

robe vieux-rose

byzantine

Ce qui étonne, c’est sa liberté d’esprit, son approche de la modernité, son esprit anticonformiste alors qu’elle appartient à la plus haute société et illumine par sa présence les réceptions où elle arbore des tenues époustouflantes mais toujours dans le goût le plus délicat, dont on ne voit ici qu’une partie, conservée magistralement. La Comtesse a l’âme catholique et monarchiste mais soutiendra Alfred Dreyfus, Léon Blum et le Front populaire. Elle s’entremet pour organiser des concerts et des représentations lyriques comme Béatrice et Bénédict de Berlioz en 1890, Tristan et Isolde de Wagner en 1899, fait venir les Ballets russes, soutient le projet de Pierre et Marie Curie de fonder l’Institut du Radium. Gabriel Fauré lui dédie sa Pavane, elle se fait photographier par Paul Nadar dans de multiples robes de bal, avec sa fille Elaine, se lie avec Edmond de Goncourt, José-Maria de Heredia, Mallarmé, Anatole France … Elle devient l’inspiratrice de Marcel Proust, fasciné par son élégance, qui l’immortalise dans le personnage de la Duchesse de Guermantes.

tea Gown

escarpins en veau

Ce qui frappe le visiteur, devant ces toilettes fantastiques, c’est la minceur étonnante de cette femme, sa ligne élancée qui ne varie pas d’un pouce au cours des années : sa carte d’identité indique sa stature de 1,68 m, elle a la taille très fine, le pied menu.

Parmi les couturiers représentés : Worth avec le « Tea-Gown » de velours bleu dévoré sur satin vert, l’extraordinaire robe byzantine de soie lamée tissée de fils d’or et à traine bordée de vison qu’elle arborait pour le mariage de sa fille. Il y a aussi des modèles de Jeanne Lanvin, Fortuny, des kimonos de Babany, d’autres non griffés mais particulièrement fluides dans les années 20. La Comtesse affectionne le noir, le vert, le beige et le vieux-rose. Certaines de ces tenues n’ont été portées qu’une seule fois. D’autres ne manquent pas d’humour comme cet extraordinaire manteau en agneau de Mongolie que l’on voit fermé, la tête charmante émergeant à peine, et ouvert, laissant entrevoir la taille terriblement fine de la jeune femme.

Il faut prendre le temps de détailler le travail de broderies – surtout pour les robes de style Art Nouveau – comme cette merveilleuse robe du soir de velours noir brodée de fleurs de lys beiges … présentée comme faisant tomber les murs. Les mannequins-vedettes n’étaient pas à l’honneur en ces temps de « Belle Epoque », à l’exception des « Grandes Horizontales » dont quelques rares parvenaient à se faire une place dans le monde en épousant un vieux titré. La Comtesse Greffulhe était issue de la plus grande noblesse mais ne fut pas heureuse en ménage. En revanche, elle sut se rendre utile au monde de son temps … et pas seulement à travers son exceptionnelle garde-robe.

robe aux lys

robes 1925

La mode retrouvée, exposition au Palais Galliera jusqu’au 20 mars, ouvert de 10h à 18 h, sauf le lundi – 8€


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