Les Parisiens bien informés le savent. Avoir une réservation chez Verjus est chose impossible à moins de s’y prendre plusieurs mois à l’avance ou d’avoir souscrit à une conciergerie VIP bien introduite. Moitié par snobisme, moitié par impuissance, on n’avait même pas essayé. Alors autant vous dire que quand l’occasion s’est présentée sur un plateau un lundi matin, on a biffé dare dare notre planning du vendredi suivant. On avait même checké le menu deux jours avant histoire de préparer nos papilles à ripailler. Bref, on était au top.
On s’en faisait une fête. Tout simplement parce que ca devait être une fête. Effacée la fatigue accumulée, oubliée la fugace tentation d’un ciné-Mcdo – dodo, on allait rire, trinquer, parler fort et se raconter des histoires. Parce qu’on sentait aussi que cette soirée allait être un peu spéciale, un peu paillettes et lumineuse aussi. Parce qu’on était juste bien et heureux d’être là. Parce qu’on se sentait en vie, et avec beaucoup d’envies.
Je ne me souviens pas du menu. Je me souviens d’une ambiance tamisée, d’un cocon ouaté, de bouquets de fleurs blanches. Je me souviens que les verres s’entrechoquaient, que les tables autour riaient, que les conversations pêle-mêlaient l’anglais et le français, avec des pointes d’accent canadien. Qu’on parlait Vancouver, San Francisco et Paris, judo et arrondis. Que le couple d’à côté fêtait son Facebook birthday – quatre ans déjà – et qu’on fêtait nos un jour. Je me souviens qu’on avait ri d’un amuse-bouche au céleri, délaissé une poêlée de champignons, picoré un confit de canard au chou et ignoré un dessert à la poire. Et je me souviens qu’on s’était raconté des histoires.
Et puis on a su.
Etrange décalage. Par la fenêtre, on voyait les spectateurs sortir du théâtre du Palais Royal le sourire aux lèvres, une cigarette à la bouche, profiter de la douceur de la soirée et commenter la pièce. A l’intérieur, les rires n’ont pas cessé, le service a continué avec la même gentillesse et la même attention. On n’a pas vraiment eu le temps d’avoir peur ; pour ça, il aurait fallu réfléchir. L’urgence, c’était de joindre ses proches. Et puis rapidement, l’urgence, c’est devenu d’attendre.
Attendre de savoir. Attendre de pouvoir sortir. Attendre que Paris s’éveille. Attendre de pouvoir rentrer à la maison.
Je me souviens que cette nuit là, au sous-sol de chez Verjus, on a beaucoup ri, on a trinqué à tout, on a parlé très fort et on s’est racontés beaucoup d’histoires. Parce qu’on en avait envie et qu’on était en vie.
Où: restaurant Verjus, 52 rue de Richelieu, 75001 – 01 42 97 54 40
Merci est certainement un mot trop petit pour l’accueil, le calme et la patience de l’équipe ce vendredi soir. We’ll be back. Et on trinquera.
Quand : un vendredi 13
Avec qui : les Parisiens
A vos pieds : demain
Dans votre Ipod : les nuits parisiennes, Louise A.