C'est ce principe qui est rappelé par cette décision de la cour administrative d'appel de Bordeaux :
« Vu la requête, enregistrée le 8 février 2006, présentée pour M. François X, demeurant ..., Mme Fabienne Y, demeurant ..., Mme Catherine Z, demeurant ..., M. Yves A, demeurant ..., M. Norbert B, demeurant ..., M. François C, demeurant ... ; M. X et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Vitrac en date du 17 octobre 2003 portant approbation de la carte communale ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite délibération ;
Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code de l'urbanisme ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2008 : - le rapport de M. Margelidon, premier conseiller ; - les observations de Me Boissy se substituant à Me Thevenin ; - et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X et autres font appel du jugement du 29 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Vitrac en date du 17 octobre 2003 approuvant la carte communale ; Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n°2003-590 du 2 juillet 2003 : « les cartes communales sont approuvées après enquête publique, par le conseil municipal et le préfet. Elles sont approuvées par délibération du conseil municipal puis transmises pour approbation au préfet, qui dispose d'un délai de deux mois pour les approuver. A l'expiration de ce délai, le préfet est réputé les avoir approuvées. Les cartes communales approuvées sont tenues à la disposition du public » ; Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'adoption de la carte communale est subordonnée à une double approbation du conseil municipal et du représentant de l'Etat ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que les dispositions introduites par la loi du 2 juillet 2003 précitée précisent que le préfet intervient après le conseil municipal, la délibération par laquelle l'organe délibérant de la commune approuve la carte communale ne revêt pas le caractère d'une mesure préparatoire à la décision du représentant de l'Etat mais d'une décision à effet différé jusqu'à la publication de ces deux décisions dans les conditions prévues par l'article R. 124-8 du code de l'urbanisme ; que la délibération du conseil municipal peut dès lors être directement contestée devant le juge de l'excès de pouvoir jusqu'à l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de cette publication ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal en date du 17 octobre 2003 approuvant la carte communale de Vitrac ; que cette irrégularité entraîne l'annulation du jugement attaqué ; Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X et autres devant le tribunal administratif ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants ont, devant le tribunal administratif, procédé aux notifications requises par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dans le délai qu'elles impartissent et ce, tant à l'endroit du maire de la commune de Vitrac que du préfet de la Dordogne ; que leur demande est donc recevable ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-20 du code général des collectivités territoriales : « Un conseiller municipal empêché d'assister à une séance peut donner à un collègue de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. (…). Le pouvoir est toujours révocable (…) » ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une conseillère municipale avait, par courrier, informé la maire de la commune qu'elle ne pourrait assister à la totalité de la réunion du conseil municipal et qu'elle avait donné à cet effet pouvoir écrit à un autre élu pour lui déléguer son vote ; que cette élue a précisé dans ce courrier qu'elle escomptait toutefois participer activement à la délibération pendant le temps de sa présence ; que, cependant, se fondant sur l'existence du pouvoir écrit susmentionné, la maire a interdit à cette conseillère de participer à quelque délibération que ce soit et l'a obligée à demeurer du côté du public lors de la séance ; qu'eu égard au contenu non équivoque du courrier susmentionné, la maire ne pouvait ignorer la volonté de cette élue de remplir pleinement ses fonctions pendant sa présence en séance ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'obligeait l'intéressée à procéder à une révocation expresse de son pouvoir pour ce faire ; que l'obstacle ainsi mis à la participation aux débats de cette élue pendant le temps de sa présence a été de nature à entacher d'illégalité la délibération litigieuse, alors même que l'intéressée avait quitté la séance au moment où le vote portant sur l'approbation de la carte communale a eu lieu et que l'élu ayant reçu le pouvoir avait pu voter en son nom ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : « Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en a fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataire » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la maire de la commune était propriétaire de deux parcelles devenant constructibles à l'occasion de l'approbation de la carte communale ; qu'elle a pris une part active à l'élaboration dudit document d'urbanisme en présidant les réunions de la commission municipale chargée de son élaboration, en rapportant le projet devant l'assemblée délibérante de la commune et en dirigeant les débats au cours de la délibération se prononçant sur son approbation ; qu'à cet égard, la seule circonstance qu'elle n'a pas pris part au vote final n'est pas de nature à faire regarder sa participation comme dépourvue d'influence sur la délibération de l'assemblée communale ; que, dans ces conditions, la délibération litigieuse est entachée d'illégalité en tant que la carte communale approuvée à cette occasion classe en zone constructible les parcelles, dont la maire était propriétaire, situées en section C du cadastre sous les n° 596 et 597 au lieudit Le Bousquet.
Considérant, en troisième lieu, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun autre moyen soulevé par les requérants ne peut être regardé comme susceptible de fonder également l'annulation de la délibération contestée ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Vitrac en date du 17 octobre 2003 portant approbation de la carte communale ; Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que les requérants qui, dans la présente instance, ne sont pas la partie perdante, soient condamnés à verser à la commune de Vitrac la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La délibération du conseil municipal de la commune de Vitrac en date du 17 octobre 2003 portant approbation de la carte communale est annulée. »