Le Groupe Monsanto qui commercialise le glyphosate, la molécule active de son produit phare le Roundup, a de quoi jubiler. L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) vient en effet de publier le 12 novembre 2015 un rapport dans lequel elle conclue que ce produit chimique de synthèse n'est " probablement pas un produit cancérogène pour l'homme ", comme l'affirme pourtant le Centre International de recherche contre le cancer (CIRC).
L'EFSA fait état d'une " évaluation complète qui tient compte d'une multitude de nouvelles études et de nouvelles données " et " a également pris en considération, à la demande de la Commission européenne, le rapport publié par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dans lequel le glyphosate est catégorisé comme un cancérogène probable pour l'homme ".
Dans le cadre du renouvellement de l'autorisation du glyphosate en Europe les experts de l'EFSA n'ont donc pas proposé dans leur avis que ce produit chimique soit catégorisé comme cancérogène (génotoxique) dans la réglementation de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques. Le glyphosate reste donc dans la liste des substances actives utilisées dans la composition des pesticides approuvées dans l'UE
Comment expliquer cette divergence de vue fondamentale entre l'analyse du CIRC et de l'EFSA ?
L'EFSA explique que son évaluation a " pris en compte une vaste quantité d'éléments, y compris un certain nombre d'études non évaluées par le CIRC ". Ce qui explique, selon elle, en partie, pourquoi les deux évaluations ont abouti à des conclusions différentes .
Est-ce une explication bien sérieuse ? Le CIRC serait-il à ce point incompétent, négligent, approximatif dans ses expertises ?
Rappelons-nous la position de l'EFSA concernant les perturbateurs endocriniens tout particulièrement le bisphénol A. L'EFSA s'est très longtemps battue pour les dédouaner. Après la publication d'un rapport le 21 janvier 2015 concluant à l'innocuité du BPA, notre Ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, s'était alors déclarée "très surprise", s'interrogeant sur le " poids des lobbies ".
L'avis de l'EFSA n'a finalement pas été suivi et le bisphénol A (BPA) est maintenant interdit dans la composition des tétines et des contenants alimentaires. Aujourd'hui, le même problème se pose concernant le glyphosate.
Bien que l'EFSA Se présente comme " une agence européenne indépendante financée par le budget de l'Union Européenne qui fonctionne séparément de la Commission européenne, du Parlement européen et des États membres de l'UE ", certains de ses avis sentent à plein nez la politique, transpirent le poids de lobbies et posent de nouveau la question de sa crédibilité.
Mais en attendant, c'est elle qui est chargée de l'évaluation officielle des risques relatifs à la sécurité des aliments destinés à l'alimentation humaine et animale, et qui conseille la Commission Européenne. Et tant pis pour notre santé.
Hervé de Malières