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Alors que Barack Obama est devenu officiellement depuis ce week end le candidat du camp démocrate pour la course à la présidence des Etats-Unis, en obtenant le nombre suffisant de délégués au cours des deux dernières primaires, les citoyens américains et au delà, les citoyens de la Terre, voient en cette "petite victoire" historique, les prémisses d'un changement politique et bien plus, y voient une chance pour le monde et ses minorités de recouvrer un certain espoir au travers de l'ascension symbolique d'un homme, qui revendique ses origines Kenyanes et porte avec dignité la couleur qui fut par le passé, le fruit de la ségrégation et de l'inégalité entre les hommes et les femmes d'une certaine Amérique des préjugés.
Si aujourd'hui, l'Histoire des Etats-Unis ne nous donne pas à voir de situations similaires, elle peut cependant nous évoquer la vie et l'oeuvre d'un pasteur Baptiste, militant noir et courageux pacifiste, fauché par l'ogre de la haine et élevé au même titre que Malcolm X, au panthéon des martyrs de la liberté. Un martyr, un noir; un homme avant tout, qui a su marquer cette histoire de ses certitudes et donner les moyens en héritage à toute une génération, de s'émanciper et de franchir le seuil de la haine jusqu'à devenir au travers de l'incarnation d'Obama, les citoyens blancs, noirs et métisses des futures "Amériques" réconciliées.
Vous aurez remarqué que le titre de l'article ne se pose pas en interrogation mais est plutôt ici, le produit de mon sentiment. Un sentiment probablement partagé par de nombreuses personnes, un sentiment sans doute déjà admis mais qui engage à quelques explications et va me servir de prétexte à un petit retour sur l'histoire et les convictions d'un homme qui légitiment presque à elles seules, par leurs expressions, la véritable "Obamania" qui déferle actuellement des deux côtés de l'Atlantique.
Ce n'est certainement pas le hasard, ni même la volonté de Dieu...
Si Barack Obama en est ici aujourd'hui et d'ailleurs même, s'il a pu étudier à l'Université de Columbia puis à Harvard et connaître ce parcours politique, ce n'est pas en premier lieu grâce à la force de son acharnement, ce n'est pas non plus grâce aux appels de toute une partie de la nation américaine en mal d'égalités, de social et fatiguée de voir l'image de son pays dépérir aux yeux du monde comme dépérissent ses soldats sur les terres irakiennes.
Non. Si Obama en est à briguer la présidence de la Maison Blanche, c'est uniquement grâce aux cris d'un homme, grâce aux engagementsde Martin Luther King, apôtre de la non-violence et investigateur d'une Amérique égalitaire, arrachant aux bas lieux communs qui régissaient alors la vie des citoyens américains, le véritable sens du mot fraternité.
A l'arrivée de Martin Luther King sur le devant de la scène médiatiqe américaine dans les années 50, on pourrait presque comparer les Etats Unis à l'Afrique du Sud de l'apartheid. C'est dans les anciens états de tradition esclavagiste, au sud, que la prégnance du ségrégationnisme, héritée en partie des lois Jim Crow alors toujours en vigueurs, reste la plus forte et ou les tensions entres les communautés blanches et noires sont les plus acerbes. Intimidations, chantage, attentats et assassinats rythment la survie des afro-américains. Transports en commun, scolarité, santé, citoyenneté; les droits accordés aux peuple noir et les moyens qui lui sont alloués restent souvent bien inférieurs à ceux dont bénéficient les populations blanches.
Des inégalités qui, sublimées par le déferlement de haine des ségrégationnistes blancs vont pousser au cours de la décennie 50, les consciences opprimées à la lutte pour la reconnaissance de nouveaux droits civiques. Martin Luther King sera l'une de ces consciences, il en sera d'ailleurs le porte parole dés 1955 avec l'affaire du boycott de la compagnie de transport urbain de Montgomery ( la ville ou il exerce son statut de Pasteur). Un boycott qui se voit débuter par le courageux refus d'obéissance d'une certaine Rosa Parks alors collée à son siège d'autobus.
Durant plus d'une année, les protestations "pacifistes" vont marquer les rues de leur présence et de leur assiduité. Les saisons qui suivent les premières révoltes vont finalement conduire, non sans obstacles, le fameux rêve de King jusqu'à Washington, ou il finira par obtenir du président Lyndon B. Johnson l'abolition officielle de la ségrégation ( à défaut de l'abolition des esprits ségrégationnistes) par la signature en 1964 du Civil Rights Act et l'année suivante du Voting Rights Act qui ouvre le droit de vote à la minorité afro-américaine.
Alors voilà... Sans Martin Luther King, sans les combats précédents et suivant sa disparition mystifiée, de centaines de noirs, pasteurs, citoyens, anonymes; ou serait à l'heure actuelle Obama? Question idiote me direz vous... Bon alors demandons nous plutôt ce qu'Obama a, par la force de son épiderme ( mais pas seulement pour éviter la question rhétorique...), de Luther King? En quoi Obama, et parfois malgré lui, est-il le digne héritier du Docteur Martin Luther King?
Bien que métisse, Obama revendique sa "négritude" tout comme l'Amérique le définit comme noir avant de voir dans la couleur de sa peau l'expression d'un quelconque mélange "inter-racial". ( >A lire sur le sujet, l'article de Rue 89)
Si Obama est avant tout logiquement un héritier des combats de Martin Luther King ( au travers de ses racines africaines et de sa situation politique), il en devient ce symbole même de l'héritage pour de nombreux partisans, à l'image de John Lewis, ancien compagnon de route de King qui a soutenu au début de la campagne, l'adversaire féminine de Barack Obama et qui au cours du mois de février dernier à brusquement changé de positions. Ce que beaucoup voient en lui c'est finalement un porte parole, au même titre que l'était King. Un homme capable comme le pasteur, de créer un esprit fédérateur, d'initier un mouvement qui transcende le communautarisme et ne s'oriente pas vers un repli, de rassembler les "races" et de personnaliser ce que l'Amérique à de meilleur dans la tolérance et le respect.
Au travers d'Obama et de ses intentions pour une Amérique plus juste, c'est le combat en partie avorté et le rêve d'intégration de Martin Luther King que bon nombre de citoyens perçoivent.
Obamas'il est perçu comme l'héritier de la lutte pour les droits civiques se pose clairement en défenseur de l'intégration des noirs dans la société américaine et entend franchir, sans user de la préférence ethnique, l'impasse raciale dans laquelle il disait il y a peu, le pays se trouver.
Et c'est en partie vrai pour ce qui relève de l'impasse. On assiste depuis plusieurs années maintenant à un retour sournois de la séparation raciale, à une "reségréguation" notamment dans les écoles du primaire ou plus de la moitié ( 65 % ) d'entre elles pratiquent certaines de ces formes.
Bien entendu, la comparaison d'Obama avec Martin Luther King s'arrêtera là, car au delà de cet héritage que je suppose comme logique, ses ambitions, son passé, son éducation nullement issue de la culture afro-américaine et sa vision politique du monde en font un homme politique à part entière, porteur d'un humble patriotisme pour cette Amérique qui l'a vu grandir et lui a finalement donnée toutes ses chances.
supports:
.Propos de Pap Ndiaye; Obama déculpabilise l'Amérique; JDD; février 08
.M. A. Combesque; Martin L. King Jr. Un homme et son rêve; Editions du Félin; 2004.
.Sylvie Laurent; Obama rattrapé par le spectre de King; Le Monde; mai 2008.