En 1956 parut un passionnant ouvrage signé Gilbert Guilleminault « Le roman vrai de la IIIème République ». Il rassemblait une série d’articles très bien illustrés sur les grands événements politiques, les scandales, les affaires criminelles majeures qui avaient jalonné la période 1875 – 1940. Mes parents l’avaient acquis en belle édition reliée de cuir rouge, donc quelques années après la première parution, j’avais alors onze ou douze ans et l’avais dévoré. Je me souviens de la plupart des sujets traités : l’affaire Stavisky, les crimes de Landru, le coup de feu mortel de Madame Caillaux sur le Directeur du Figaro Calmette, et surtout un épisode qui m’avait marquée profondément : l’incendie du Bazar de la Charité.
Si je ne me trompe, c’est en nombre de victimes, une catastrophe comparable à celle des meurtres de vendredi 13 novembre. A une différence près : il s’agissait d’un terrible accident. Mais, plus que toute autre, elle m’a poursuivie toute ma vie.
4 mai 1897 : rue Jean Goujon se tient, comme chaque année, une vente de charité organisée par la fine fleur de l’aristocratie parisienne et même internationale au profit des plus démunis. Les stands sont tenus par les plus grands noms. On a créé un décor de rue médiévale, avec en plafond, un immense vélum … Le clou de la manifestation est une démonstration du cinématographe. Une étincelle embrase des vapeurs d’éther, tout s’enflamme en un instant, le feu se propageant immédiatement à l’ensemble de la structure provisoire par le vélum en toile goudronnée. Sur les 1200 personnes présentes, on dénombrera près de 130 victimes, essentiellement des femmes, dont la duchesse d’Alençon, sœur de l’impératrice Sissi, asphyxiées, piétinées devant des issues barrées pour éviter les resquilleurs, prises au piège et carbonisées. Les journaux illustrés donnent de la catastrophe des croquis d’un réalisme saisissant. Ces images me hantent encore aujourd’hui … Un espace clos, un lieu d’insouciance et de plaisir, et tout à coup la mort injuste, absurde et atroce.
Longtemps, l’évocation de ce désastre m’a secouée (particulièrement à travers les images), mon âme d’enfant fut marquée à jamais. Mais jamais non plus, je n’avais osé en parler à mes parents, ni « verbaliser » comme on dit aujourd’hui. Longtemps je ne suis pas entrée dans une salle de cinéma sans repérer les issues de secours avant de m’asseoir.
Alors, il me semble qu’il faut faire parler nos petits, même s’ils semblent imperméables aux événements qui viennent de se produire à Paris, les écouter exprimer leurs peurs, leur expliquer avec leurs mots pourquoi nous sommes en guerre contre les terroristes.
A ce propos, je recommande la lecture du numéro du Petit Quotidien à paraître demain. Nous avons l’âge d’être forts, eux comptent sur nous pour les protéger.
Références : Boutique Playbac Presse
www.playbacpresse.fr/download/pdf/lepq4831/attentats
17 nov. 2015 - 2 • Le Petit Quotidien • mardi 17 novembre 2015.