On ne prend jamais assez des nouvelles des autres. Et vous, comment allez-vous ce matin ? Etiez-vous à l’abri ? Qu’en est-il de vos amours, de vos proches ? Qu’en est-il de vos voisins, de vos collègues ? Qu’en est-il de ces inconnus familiers que vous croisez tous les jours et dont vous vous apercevez soudain qu’eux aussi font partie de vous, et que leur disparition eut été une perte ?
L’année s’achève comme elle a commencé – en pire. Encore une fois c’est la liberté que l’on tue. La liberté d’être différent. La liberté d’être insouciant. La liberté de vivre comme on l’entend, mais comme secrètement unis aux autres dans une pratique républicaine. Et c’est la jeunesse cette fois que l’on vise. Cette jeunesse qui porte tous les prénoms et possède la même beauté sous toutes les couleurs.
Paris, Capitale de la douleur. Paris qui compte ses morts. Mais Paris Capitale de cet esprit républicain qui sait si bien faire unité. Paris Capitale de la lucidité et du courage. Le courage de porter plus loin encore la liberté, l’égalité, la fraternité. Voltaire nous regarde. Nous voulons désormais la liberté sans l’égoïsme, l’égalité sans l’indistinction ni le refus des différences, la fraternité sans l’exclusive. Si ces mots ont un sens, c’est aujourd’hui qu’ils s’actualisent. C’est aujourd’hui qu’ils nous parlent, plus que jamais.
On connaît l’ennemi : l’ennemi est celui qui se croyant immortel entend imposer par la violence son ordre transcendantal sur le monde. On sait le rêve qui l’anime : fracturer le corps social et provoquer un conflit interne entre chrétiens et musulmans ; instaurer le chaos pour prendre le contrôle politique. De sorte que collaborer, c’est prêter main à cette division. De sorte que résister, c’est travailler à l’unité de la nation. Un deuil collectif, cela nous rappelle surtout que nous sommes un collectif, une communauté indivise, une nation. Ici, en terre de France, nul n’est un étranger s’il est ami de la liberté.
L’esprit de la nation s’est glissé parmi les décombres, dans cette salle de concert, sur ces terrasses ; et ce qu’il murmure aux oreilles de chacun de nos assassinés, d’une voix que rien ne saurait altérer, est une promesse et une seule : que nous soyons, pour eux, en leur mémoire, les sentinelles de cette république qu’ils aimaient tant.