Texte par Lily
Paris
Quand elle reposa sa tasse de thé sur sa soucoupe, la main tremblante de Margot fit s’entrechoquer plusieurs fois les deux pièces de porcelaine. Trois militaires venaient tout juste de passer devant la terrasse de la brasserie où elle finissait de dîner avec son fils. Le petit garçon semblait les avoir remarqués lui aussi, il avait interrompu le trajet de sa cuillère de glace entre sa coupe et sa bouche.
Pendant un court instant ils restèrent ainsi figés, tout comme les autres clients. Seul le vent qui faisait s’envoler les feuilles mortes permettait de dire que le temps ne s’était pas arrêté. Et puis un bébé se mit à pleurer dans la salle et ce fut comme si la vie reprenait ses droits. Jules croisa le regard de sa maman et comprit que tout ça n’était normal.
D’abord il l’avait vue pleurer ce matin dans les bras de son papa. Il était persuadé que ça avait un lien avec la télévision, elle était restée allumée toute la journée et il n’avait même pas eu l’autorisation de la regarder avec eux. Ensuite il avait vu des bougies sur les bords des fenêtres, sur les tables des balcons, Margot aussi en avait allumé une. La seule fois où il avait vu sa maman faire ça c’était quand sa granny était partie au ciel, un mauvais pressentiment avait alors envahi le cœur de Jules. Mais il n’y avait pas que ça, dehors, les gens déambulaient comme des fantômes, on aurait dit qu’ils portaient tout le poids du monde sur leurs épaules, on n’entendait pas d’éclats de rires. Et enfin les militaires. Il se passait quelque chose de grave, pas seulement dans sa famille mais partout autour de lui.
Il repoussa sa coupe de glace et attendit que Margot lui raconte. Elle allait le faire, il le voyait dans son attitude. Elle cherchait par où commencer, quels mots utiliser, comment faire comprendre à un enfant de huit ans ce qu’elle-même ne comprenait pas. Finalement elle se lança. Pendant plusieurs minutes Jules entendit des mots qui lui firent peur : terroristes, bombes, morts, guerre. Il savait qu’il devait se montrer courageux, elle le lui avait dit : « la meilleure façon de leur montrer qu’ils n’ont pas gagné c’est de vivre Jules, d’être fort et d’être courageux ». Il avait quand même versé quelques larmes, si les grands avait pleuré, il avait le droit lui aussi.
En regardant autour de lui, comme pour se rassurer que tout ce qu’il connaissait n’avait pas éclaté derrière les horreurs qui avaient eu lieu, Jules vit les beaux lampadaires qui éclairaient la rue, les appartements majestueux en pierre blanche, les pavés mouillés qui reflétaient la lumière, les arbres aux teintes multicolores, quelques étoiles dans le ciel. Il sentit les odeurs de thé au jasmin qui infusait dans la tasse Margot, les effluves du parfum de la femme qui venait de quitter la brasserie et celles toutes particulières des nuits parisiennes. « Pourquoi est-ce qu’ils ont fait ça maman ? Ils n’aiment pas Paris ? »avait-il demandé.
« Ce n’est pas Paris qu’ils n’aiment pas Jules, c’est notre bonheur et notre liberté. Ils n’aiment pas les Hommes »
« Alors ce ne sont pas des Hommes, ce sont des monstres ».
Margot serra son fils dans ses bras. Elle serra l’espoir.
Hommage à Paris par Morgane Sezalory
Texte par Lily
Paris
Quand elle reposa sa tasse de thé sur sa soucoupe, la main tremblante de Margot fit s’entrechoquer plusieurs fois les deux pièces de porcelaine. Trois militaires venaient tout juste de passer devant la terrasse de la brasserie où elle finissait de dîner avec son fils. Le petit garçon semblait les avoir remarqués lui aussi, il avait interrompu le trajet de sa cuillère de glace entre sa coupe et sa bouche.
Pendant un court instant ils restèrent ainsi figés, tout comme les autres clients. Seul le vent qui faisait s’envoler les feuilles mortes permettait de dire que le temps ne s’était pas arrêté. Et puis un bébé se mit à pleurer dans la salle et ce fut comme si la vie reprenait ses droits. Jules croisa le regard de sa maman et comprit que tout ça n’était normal.
D’abord il l’avait vue pleurer ce matin dans les bras de son papa. Il était persuadé que ça avait un lien avec la télévision, elle était restée allumée toute la journée et il n’avait même pas eu l’autorisation de la regarder avec eux. Ensuite il avait vu des bougies sur les bords des fenêtres, sur les tables des balcons, Margot aussi en avait allumé une. La seule fois où il avait vu sa maman faire ça c’était quand sa granny était partie au ciel, un mauvais pressentiment avait alors envahi le cœur de Jules. Mais il n’y avait pas que ça, dehors, les gens déambulaient comme des fantômes, on aurait dit qu’ils portaient tout le poids du monde sur leurs épaules, on n’entendait pas d’éclats de rires. Et enfin les militaires. Il se passait quelque chose de grave, pas seulement dans sa famille mais partout autour de lui.
Il repoussa sa coupe de glace et attendit que Margot lui raconte. Elle allait le faire, il le voyait dans son attitude. Elle cherchait par où commencer, quels mots utiliser, comment faire comprendre à un enfant de huit ans ce qu’elle-même ne comprenait pas. Finalement elle se lança. Pendant plusieurs minutes Jules entendit des mots qui lui firent peur : terroristes, bombes, morts, guerre. Il savait qu’il devait se montrer courageux, elle le lui avait dit : « la meilleure façon de leur montrer qu’ils n’ont pas gagné c’est de vivre Jules, d’être fort et d’être courageux ». Il avait quand même versé quelques larmes, si les grands avait pleuré, il avait le droit lui aussi.
En regardant autour de lui, comme pour se rassurer que tout ce qu’il connaissait n’avait pas éclaté derrière les horreurs qui avaient eu lieu, Jules vit les beaux lampadaires qui éclairaient la rue, les appartements majestueux en pierre blanche, les pavés mouillés qui reflétaient la lumière, les arbres aux teintes multicolores, quelques étoiles dans le ciel. Il sentit les odeurs de thé au jasmin qui infusait dans la tasse Margot, les effluves du parfum de la femme qui venait de quitter la brasserie et celles toutes particulières des nuits parisiennes. « Pourquoi est-ce qu’ils ont fait ça maman ? Ils n’aiment pas Paris ? »avait-il demandé.
« Ce n’est pas Paris qu’ils n’aiment pas Jules, c’est notre bonheur et notre liberté. Ils n’aiment pas les Hommes »
« Alors ce ne sont pas des Hommes, ce sont des monstres ».
Margot serra son fils dans ses bras. Elle serra l’espoir.