Vendredi soir, en allant dîner dans un restaurant asiatique du quartier de Belleville à Paris, en compagnie de ma douce et de ses parents, je me disais, alors que nous nous promenions dans des rues pleine d'une foule heureuse, pleine de visages bien différents, europeens, africains, asiatiques, jeunes et moins, mais tous détendus à l'aube du week-end, que Paris était quand même, malgré le stress inerant à la grande ville, une belle "place to be".
Ce même sentiment qui me fait souvent dire que le monde va dans le bon sens, qu'on s'aime un peu mieux qu'avant, que l'Europe et une bonne partie du monde a réussi depuis soixante ans à vivre en paix et que désormais c'est un acquis, ce vivre ensemble. Surtout lorsque je reviens du Maroc où j'ai côtoyé des coureurs de toute l'Europe et du Maroc pendant trois semaines avec ce même sentiment. Malgré nos différences, nous sommes tous frères. Il y a cent ans, nous nous faisions la guerre avec acharnement. On a progressé.
Et puis nous sortons du restaurant et découvrons l'horreur de la situation. Ça se passe à 600 mètres de là. Une nuit d'effroi commence, et nous avons eu de la chance.
D'autres, de gens comme nous, venus passer une soirée agréable, ont peri sous les balles d'immondes assassins. Je me dis alors que Paris est dangereux et que la folie guerrière, sous une autre forme tout aussi terrifiante, est malheureusement encore de ce monde, là tout près. Comment un gamin grandissant en France, vivant dans la paisible et belle ville de Chartres ne peut avoir comme perspective que celle de tuer et de se tuer, en provocant carnage et abomination?
Malgré l'effroi, la peur, la colère peut-être, la tristesse due à tant de haine, il faut continuer à vivre. Des le lendemain, je prenais le métro, où les stations fermées me rappelaient sinistres les horreurs de la veille, puis le train pour rejoindre l'Auvergne.
Le Royat Urban Trail, où j'étais attendu, était maintenu. Organisé sans les festivités prévues pour cause de deuil, dans le respect des victimes de la tragédie, mais organisé tout de même, pour que la vie continue aussi.
Malgré la fatigue accumulée, malgré la nuit de vendredi, j'y ai donc couru. 12 kilomètres entre ville et montagne, un parcours ludique, une ambiance amicale, un bel événement dans une si belle France. L'horreur est si loin, et pourtant si près. Mais il faut bien continuer à vivre, intensément, sans céder à la peur ou à la haine.
Alors oui, aujourd'hui, j'ai couru, avec du plaisir quand même, les jambes n'y étaient pas et le cœur était lourd, mais je pense que finalement, même si je me suis posé la question, participer à une course, à un rassemblement populaire et sportif, aujourd'hui, était une bonne chose. Avec la mémoire vive et douloureuse de ce qui vient de se passer, mais avec tout de même foi en l'avenir, en les hommes et dans les valeurs de lumières.