[Critique] STAR WARS : ÉPISODE V – L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE
Titre original : Star Wars : Episode V – The Empire Strikes Back
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Irvin Kershner
Distribution : Mark Hamill, Harrison Ford, Carrie Fisher, David Prowse, Anthony Daniels, Kenny Baker, Peter Mayhew, Frank Oz, Billy Dee Williams, Alec Guinness, Jeremy Bulloch…
Genre : Science-Fiction/Aventure/Suite/Saga
Date de sortie : 20 août 1980
Le Pitch :
La destruction de L’Étoile Noire a certes porté un grand coup à L’Empire, mais celui-ci maintient néanmoins son emprise sur la galaxie, forçant les rebelles à redoubler d’efforts dans leur lutte. Basés sur une lointaine planète glacée du système Hoth, ces derniers doivent ainsi faire face à une attaque massive des troupes de l’Empereur, coordonnée par le terrifiant Dark Vador. De son côté, Luke Skywalker décide de rallier la planète Dagoba pour y suivre l’enseignement de Yoda, le grand maître Jedi, tandis que Han Solo, la Princesse Leia et Chewbacca se réfugient à Bespin, la cité dans les nuages gouvernée par Lando Calrissian. Luke, qui va devoir redoubler d’efforts pour ne pas sombrer du côté obscur de la Force comme le désire si ardemment Dark Vador…
La Critique :
L’Empire contre-attaque fait partie du club très fermé des suites supérieures aux premiers volets. Comme Le Parrain 2 et Terminator 2 pour ne citer que ces deux classiques. C’est ainsi l’épisode favori des fans. Celui qui revient toujours dans les discussions passionnées. Le plus culte et le plus décisif également. Un film qui connut néanmoins une genèse plus ou moins difficile, notamment au niveau de l’écriture du script, qui fut dans un premier temps confiée à Leigh Brackett, la scénariste de Rio Bravo, mais qui fut profondément modifié par le jeune Lawrence Kasdan, après le décès de cette dernière, tout en conservant la trame originale imaginée par Lucas. À l’époque, Kasdan débute. À son actif, Continental Divide, un scénario vendu à Steven Spielberg, qui fut finalement réalisé par Michael Apted en 1981. Alors qu’il écrit L’Empire contre-attaque, Kasdan planche sur Les Aventuriers de l’Arche Perdue. À 30 ans, l’homme plonge dans le grand bain et réussit admirablement son coup, au point de revenir quelques années plus tard sur Le Retour du Jedi et encore bien plus tard sur Le Retour de la Force, qu’il a écrit avec son fils.
George Lucas, un peu dépassé par l’ampleur de la tâche, souhaite malgré tout conserver son indépendance vis à vis de la 20th Century Fox. Pour lui, une seule solution pour donner vie à sa vision dans son intégralité, sans sacrifier l’intégrité de son projet gargantuesque : déléguer. C’est ainsi qu’Irvin Kershner, qui vient de signer Les Yeux de Laura Mars, arrive et prend les rennes du film…
À bien des égards, L’Empire contre-attaque contient tout ce qu’un long-métrage comme Star Wars doit contenir. Si le premier volet avait créé la surprise, sa tonalité relativement légère et son caractère quoi qu’il en soit introductif, n’avait pas véritablement creusé les choses, que ce soit au niveau des enjeux ou bien des personnages, tout en pouvant très bien exister par lui-même, indépendamment des autres (ok, on voit Vador s’enfuir à la fin, mais au fond, les héros avaient gagné et tout le monde était content). L’Empire contre-attaque lui, bénéficie d’un boulevard et peut entrer dans le vif du sujet, en développant les éléments matriciels de cet univers passionnant pour les amener quasiment à maturité, prêts à entrer dans la légende du septième-art, de la science-fiction et de la pop culture.
C’est ainsi que le film introduit le personnage de Yoda, le fameux maître Jedi animé par le grand Frank Oz, principal acteur avec Luke de la quête initiatique que le film relate notamment (Boba Fett fait lui aussi son entrée). Il nous dévoile la véritable identité de Dark Vador lors d’une scène à l’intensité dramatique incroyable, et construit des relations plus approfondies entre les personnages. Le récit sait aussi se faire plus sombre, envisageant la victoire des forces du mal, avec la menace constante du Côté Obscur qui plane tel une flopée de nuages noir au-dessus de la tête de Luke Skywalker. Autrefois naïf et idéaliste, ce dernier, représentant sur bien des points de l’innocence sacrifiée à la guerre, devient le centre de gravité de toute la saga, et découvre, en même temps que ses véritables origines, que le monde est sans cesse assailli par des puissances brutales. Mark Hamill, qui se remettait à peine d’un grave accident de la route au moment du tournage, apparaît également moins lisse. Le visage marqué de l’acteur fait écho, à l’écran, aux problématiques de son personnage et son jeu, plus âpre, sait traduire l’inquiétude qui assaille Luke alors que la Force fait véritablement son entrée dans sa vie pour le changer à jamais. Concernant les autres, aux aussi profitent du scénario plus complexe pour livrer des performances plus graves, sans pour autant se départir d’un humour typique et superbement agencé, toujours principalement distillé par l’irrésistible duo formé par C-3PO et R2-D2. Les deux amis qui font eux aussi les frais du durcissement insufflé par Kasdan. Plus personne n’est à l’abri du courroux de l’Empire. Pas même les gentils droïdes comme en témoigne la scène durant laquelle C-3PO se fait démembrer chez Lando Calrissian. Même la romance naissante entre Han Solo et Leia sonne juste. Jamais soulignée à outrance, elle dénote d’une grande sensibilité et s’épanouit à l’écran avec un naturel confondant dont l’un des effets secondaires et l’émergence d’une émotion jamais préfabriquée.
L’univers créé par George Lucas prend donc une nouvelle ampleur. L’Empire contre-attaque va même jusqu’à se parer d’un sous-propos philosophique démontrant bien de son exigence et du respect qu’il porte à ses personnages et à leur lutte. Mais bien sûr, ce n’est pas tout. Si le film a autant -positivement- traumatisé des générations de fans, à commencer par ceux qui ont vécu le phénomène à l’époque de sa sortie en salle, c’est aussi car il repousse toutes les limites imposées par son prédécesseur en terme de grand spectacle. La première scène sur Hoth, avec les marcheurs impériaux, aussi majestueux qu’impressionnants, donne le La de l’ensemble, qui sera non seulement à la hauteur, mais aussi propulsé par un savoir-faire encore aujourd’hui estomaquant. Avec à ses côtés, des artisans aussi inspirés que précurseurs dans leurs domaines respectifs, comme Phil Tippett, Frank Oz, le dessinateur Ralph McQuarrie et même Joe Johnston, le directeur artistique qui plus tard, signera Jumanji ou encore Jurassic Park 3, George Lucas s’assure que la contre-attaque de l’Empire sera dantesque à tous points de vue. Les morceaux de bravoure sont nombreux. On pense à Hoth donc, mais aussi à la traversé du Faucon Millenium du champ d’astéroïdes, à l’inquiétante atmosphère qui se dégage de Dagoba avec un Yoda plus vrai que nature (et bien plus attachant que son équivalent de synthèse proposé ensuite dans la seconde trilogie), ou encore au duel entre Dark Vador et Luke Skywalker au terme duquel rien ne sera plus jamais pareil. Tirant une nouvelle fois pleinement partie des environnements naturels ayant accueilli le tournage, le film met aussi les bouchées doubles au niveau de l’architecture des vaisseaux, qui continue encore et toujours d’inspirer le cinéma, plusieurs décennies plus tard. Concernant Irvin Kershner, ce dernier porte le film qu’il s’approprie, avec une démesure cadrant parfaitement avec les intentions initiales. Cinéaste plus chevronné que Lucas, il soigne la forme en prenant en compte le fond, sans jamais céder aux sirènes de la démonstration de force pure et simple. La commande de Lucas se transformant alors pour un Kershner investi, en occasion de se frotter à un genre dans lequel il se fond totalement
Shakespearien, porté par un souffle inouï et impressionnant en permanence, L’Empire contre-attaque a tout du film de science-fiction parfait, où le merveilleux côtoie la gravité inhérente à une brillante métaphore sur notre part d’ombre à tous. Non contents d’avoir emmené la saga Star Wars à une profondeur qu’on pensait alors réservée aux films plus adultes, Lucas et ses lieutenants ont su rester pertinents. Caractérisé par un sens de la mesure absolument impeccable, le film passe la seconde et s’envole vers les sommets. Alors oui, L’Empire contre-attaque est le meilleur Star Wars. Celui auquel les nouveaux volets vont devoir se frotter. Le mètre-étalon chéri par les fans, que le temps n’a fait que bonifier. Mais il s’agit aussi de l’un des plus grands space opera jamais réalisé. Du plus important aussi. L’expression ultime de la Force faite film…
@ Gilles Rolland
Crédits photos : 20th Century Fox France