Il faut déjà se sentir minoritaire, 10% de la population. A Ho Chi Minh 30% de 8 millions ça fait quand même 2 400 000 pratiquants; car ici lorsque l' on est croyant, on est pratiquant. A croire qu’ils sont friands d’hosties vu le nombre de têtes qui se pressent à l’entrée de l’église aujourd’hui. Mes cheveux châtains dénotent parmi ce tapis de crinières noires, je pénètre dévisagé par la foule dans le lieu sacré déjà bondé 15 minutes avant l’office. Les gens ne sont pas endimanchés, mais ils ont quand même vêtu leurs belles paires de claquettes.
J’observe l’architecture rose, les vitraux sont troqués pour des fers forgés mais la ventilation est insuffisante. On commence à transpirer ce qui étend l’attente. Le soleil couchant diffuse du mystique. Les lustres sont surmontés de ventilos dont la mise en rotation annonce le début de la messe. Les grelots résonnent, la séance commence…
Là, coup classique pour le début, un monsieur en toge rouge se pointe et dit un truc au public pendant 2 minutes. Ca devait pas être pas une blague, car les gens n’ont pas ri, ou alors il fait toujours la même et ils la connaissent par coeur. Ensuite l’assemblée répond d’une seule voie un truc du genre « oui bonjour aussi ». Puis ils se mettent à chanter sans même lire les paroles sur une télé, sans même un accompagnement MIDI (c’est la première fois que je vois ça au Viet Nam !). Le christ illuminé de néons semble danser, les bras levés pour faire coucou à la foule de camarades venus prier. Alors on prie : debout, assis, debout, assis, à genoux, debout, à genoux. Un bon rythme pour éviter les fourmis dans les pieds.
Sainte-Marthe est rafraîchit par le tourniquet du ventilateur, elle peut continuer à écraser le dragon à cornes vertes et roses. Quand soudain le noir complet ! Les ventilos finissent leurs courses. Plus aucun bruit dans l’église : intervention divine par coupure de courant. Personne ne s’affole. En effet c’est habituel, Dieu intervient régulièrement. Alors on continue bien gentiment à prier avec les klaxons en arrière fond. Toute une ambiance visant le spirituel, développant le mystique… Dieu existe, c’est sûr ! J’entends ses appels à présent. Je les pensais moins automobiles.
Je me retrouve plonger dans une obscure moiteur à partager les prières des Vietnamiens. J’imagine leurs espoirs, leurs aspirations, leurs craintes. Je pense au petit garçon à mon côté, à ce qu’il peut bien penser. Dans sa tête tout se dit en vietnamien. J’entends toutes les pensées comme une cacophonie religieuse. Je me dis que s’ils croient en Dieu c’est bien que ça doit les aider à quelque chose.
Puis la lumière électrique fut.