Le moins que l’on puisse dire c’est qu’actuellement le système de remboursement des médicaments à la française est complexe : usagers comme médecins ont bien souvent du mal à s’y retrouver. Un récent rapport de Dominique Polton (conseillère à la Direction de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie) propose ainsi le passage à un taux de remboursement unique. Si cette proposition aurait donc l’avantage de simplifier, elle est pourtant loin de séduire. Explications.
Un système actuel simple… en théorie
En théorie, le système actuel de remboursement des médicaments n’est pas si difficile à comprendre. On pourrait dire qu’il existe 5 taux distincts de prise en charge : 100 %, 65 %, 30 %, 15 % ou 0 % (c’est-à-dire aucun remboursement).
Pour savoir quel taux de remboursement attribué à chaque médicament, la Haute Autorité de Santé (HAS) évalue ce que l’on nomme le « Service Médical Rendu », c’est-à-dire l’efficacité globale du médicament pour soigner une maladie. Sont pris en compte différents critères tels que l’efficacité du médicament lui-même, comparée à d’autres molécules, les effets secondaires, l’intérêt de santé publique, la gravité de la maladie à soigner, etc.
Un système complexe en pratique
Plutôt simple et logique, non ?
En pratique ça se complique un peu : les médicaments qui sont considérés comme irremplaçables (contre le cancer ou le VIH par exemple), qui sont chers ou qui sont attribués à des personnes en Affection de Longue Durée (ALD) sont remboursés à 100 % sans que le Service Médical Rendu ne soit réellement pris en compte.
De plus, lorsqu’un nouveau médicament a obtenu son Autorisation de Mise sur le Marché et qu’il peut donc être commercialisé, tous les autres médicaments existants et qui ont le même objectif thérapeutique sont réévalués : leur Service Médical Rendu peut alors être revu à la baisse à cause des progrès réalisés et le taux de remboursement passer par exemple de 65 à 30 %. Pas toujours facile à expliquer aux patients.
Un taux de remboursement unique ?
Comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays, le remboursement à taux unique est donc proposé comme une solution. En effet, en prenant en compte toutes les exceptions et en faisant une moyenne générale, un médicament remboursé en théorie à 15 % est en pratique remboursé à 38 % par la Sécurité Sociale. Un taux de remboursement à 15 % voire à 30 % n’aurait donc plus sa raison d’être…
Un taux de remboursement unique, d’accord, mais à quel taux ? 50 %, 40 % ou 60 % comme on a pu l’entendre dire dans les couloirs du Ministère de la Santé (bien que la Ministre Marisol Touraine n’y soit pas favorable) ?
Un taux unique, ça veut dire aussi que certains médicaments verraient leur taux de remboursement augmenter et que d’autres ne seraient alors plus du tout pris en charge ? Diverses associations comme le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) s’inquiète d’une telle mesure et s’interroge également sur les critères réellement pris en compte pour définir le Service Médical Rendu. Selon l’association, il n’est pas le même en fonction du médecin, du patient ou du laboratoire qui le fabrique, les intérêts divergent forcément.
Enfin, un taux unique ne serait pas une solution « rentable » pour combler le déficit de la Sécu sur le long terme. Si un médicament perd son remboursement ou est moins remboursé, le médecin aura en réalité tendance à prescrire un autre médicament avec un remboursement plus important. C’est ce que l’on appelle « l’effet report » qui est donc beaucoup plus onéreux sur le long terme.
A un peu plus d’un an des nouvelles élections, il est peu probable qu’une réforme aussi controversée soit mise en place dans les faits.