" Mais les lecteurs n’aiment pas se faire arnaquer. Ce qu’ils veulent, c’est que la règle du jeu soit claire. Nous, on veut savoir à quoi s’en tenir. C’est vrai ou ce n’est pas vrai, un point c’est tout. C’est une autobiographie ou c’est une pure fiction".
Si je vous ai dit il y a quelques jours avoir tenté de rattraper un peu notre retard en chronique de films vus en salles, ce n’est malheureusement pas du tout le cas avec les chroniques littéraires… il reste encore quelques romans de la rentrée littéraire que j’ai eu la chance de lire, souvent avant leurs sorties, et dont je n’ai jamais parlé, pour plusieurs raisons que ce soient.
Prenez le livre de Delphine de Vigan, "d’après une histoire vraie", véritable best seller depuis sa sortie et qui s’est vu couronner du prix Renaudot la semaine passée… ce roman là, forcément très attendu pour tous ceux qui comme moi avec beaucoup aimé « Rien ne s’oppose à la nuit » son précédent livre, j’ai eu la chance de lire en vacances en Bretagne, quelques semaines avant qu’il ne sorte en librairie et connaisse ce triomphe assuré et hautement mérité et je m’étais juré d’en dire tout le bien que j’en pensais dès que je reviendrais chez moi…
Et puis, finalement pour pas mal de raisons- un gros problème de santé à mon retour, l’envie de parler de livres aux sorties plus confidentielles, la difficulté d’écrire parfois sur certains livres, j’ai remis la publication de cette chronique aux calanques grecques, mettant à chaque fois une nouvelle date de publication sur ce post dans la liste de mes billets venir…
Après le prix littéraire qu’il a reçu la semaine passée, et même si j’aurais préféré que ce soit le Goncourt qui le couronne, tant pour moi ce livre avait tout pour obtenir la récompense suprême, car ce roman est tout ce qui pour moi constitue de la grande littéraire : à la fois accessible et exigeant, intelligent et divertissant, captivant et cérébral, bref en un mot comme en cent, on est pas loin du chef d'oeuvre!!
Dans ce « d’après une histoire vraie », Delphine de Vigan nous interroge, comme le titre du livre l’indique sur les notions de vérité, de biographie, d’autobiographie en nous interrogeant sur le rapport des lecteurs à la fiction : est ce que la fiction, à l’heure des séries et de sa profusion narrative reste encore d'actualité dans la littérature et si elle arrive encore à passionner comme avant le lectorat ? « Je croyais que les gens avaient seulement besoin que les histoires les intéressent, les bouleversent, les passionnent. Mais je m’étais trompée. Les gens voulaient que cela ait eu lieu, quelque part, que cela puisse se vérifier. Ils voulaient du vécu. »
Mais parallèlement à ces interrogations, De Vigan- qu'on préfère largement en romancière qu'en cinéaste- nous donne également à réfléchir sur d’autres vérités, celle du rapport à soi et de celle de la relations aux autres.
Dans ce roman qui jongle avec une maîtrise et une habileté folle entre autobiographie et fiction, la frontière entre les deux, sera parfaitement entretenu par l'auteure et ce jusqu'à la dernière phrase.
Mais "D'après une histoire vraie" est loin de n’être qu’une profonde réflexion sur la création littéraire, est surement avant toute chose un roman psychologique d’une densité exceptionnelle, une histoire de prédation flirtant avec l’usurpation d’identité qui finit en huis clos oppressant de ces intrigues, qui renvoie au meilleur du genre- on pense beaucoup au Misery de Stephen King, surtout dans sa dernière partie,
Le personnage de. L., nègre biographique, qui va pousser Delphine, le double fictionnel de l’auteur dans ses retranchements est un double assez maléfique dont l’emprise qu’elle a sur l’auteur va faire plonger le roman dans une tension psychologique éprouvante et passionnante.
"D’après une histoire vraie" est également un formidable livre sur le doute, le doute sur la capacité de l’auteur à retrouver l’inspiration pour écrire un livre à la hauteur du précédent, doute sur la confiance qu’elle peut apporter à sa nouvelle et mystérieuse L et le doute à prendre le dessus sur cette nouvelle amie-vampire qui la manipule à foison
Bref, voilà un roman aux multiples grilles de lecture, riche et foisonnant qui nous change d’une grande partie des romans français à l’envergure bien moindre… Assurément un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire, si ce n’est le meilleur et il aurait été quand même assez incongru de le passer sous silence, car même si tout le monde en parle déjà, quand c’est pour parler d’excellente littérature, autant ne pas s’en priver, n’est ce pas ?