Les Anarchistes, film d'Elie Wajeman

Publié le 13 novembre 2015 par Mpbernet

Si j’avais lu les critiques – en particulier celle très sévère du  Monde – je ne serais pas allée voir ce film. Et j’aurai eu tort !

1899. Dans une ambiance sombre, bleu foncé, enfumée, pas mal alcoolisée, voici un groupe de jeunes exaltés se gargarisant d’idées subversives – Bakounine, où es tu ? – qui s’auto-motivent pour prôner une révolution prolétarienne idéalisée, dérivant rapidement vers la « reprise individuelle » traduisez : des cambriolages, des braquages de banques. Tout est bon pour lutter contre la suprématie du patronat et de la société répressive, triomphante en cette période de révolution industrielle. On discute beaucoup, on complote, on se conforte les uns les autres, on prend contact avec des révolutionnaires étrangers. On se remémore les humiliations subies par des parents lors de la Commune. Mais la police veille …

Jean Albertini (époustouflant Tahar Rahim) est un jeune policier, et, parce qu’il écrit correctement (merci aux enseignants de l’orphelinat catholique où il a passé une grande partie de son enfance) est approché par sa hiérarchie pour infiltrer un groupe d’anarchistes susceptible de provoquer des attentats. Sans famille, sans attaches, il n’a pas vraiment le choix. Il va travailler, comme on dit aujourd’hui, « sous couverture ». Mais ce n’est pas sans risques. Il transmet régulièrement ses rapports à son « officier traitant ». Toutefois, cette coexistence avec le groupe d’anarchistes – dont Elysée Mayer (incarné par Swann Arlaud) et surtout la sensuelle Judith (Adèle Exarchopoulos) – s’avère pleine de surprises. Jusqu’où le jeune flic, devenu « mouche » (indicateur), est-il prêt à aller pour ne pas griller sa couverture ? Jusqu’au meurtre ?

La réalisation est particulièrement soignée : on retrouve l’ambiance de « l’Apollonide » de Bertrand Bonello (qui traite d'une autre manière d'asservir), comme aussi l’univers de ce vieil anarchiste qu’est Jacques Tardi, une reconstitution très minutieuse des décors et des costumes d’époque particulièrement réussie. L’interprétation sensible est un rien verbeuse, juste comme il convient. C’est une vision finalement très actuelle de ces groupes de jeunes révoltés contre le système de leur époque, s’auto-radicalisant ainsi que certains extrémistes contemporains, vivant en autarcie, flirtant avec la délinquance sous des prétextes de convenance trop faciles.

C’est un film dérangeant, prenant, difficile, mais qui fait réfléchir …

Avec le remarqable Swann Arlaud, Guillaume Gouix (Eugène Levèque) qui ne parvient pas à apprécier Jean sans parvenir à le démasquer ... tous des acteurs excellents. Mon sentiment : Tahar Rahim est notre futur Gérard Depardieu, il peut tout jouer !