La Raison : Pourriez-vous présenter votre Association ?
Jean-Luc Romero : L’ADMD milite depuis 1980 pour que chacun puisse, en conscience, librement, sans aucune influence, décider des conditions de sa propre fin de vie. Depuis 2011, une proposition de loi rédigée par l’ADMD et approuvée à plus de 90% par ses adhérents propose de légaliser l’euthanasie active et le suicide assisté et de permettre un accès universel aux soins palliatifs. L’ADMD souhaite créer un nouveau droit humain. Les femmes, dans les années soixante-dix, nous ont dit que leur corps leur appartient. Nous disons aujourd’hui que notre mort nous appartient. La mort est la seule certitude de notre vie. Ne ratons pas la fin !
La Raison : Votre association a évolué en passant de la revendication de la dépénalisation de l’euthanasie à celle de la légalisation de l’aide active à mourir. Pourquoi ?
Jean-Luc Romero : Il n’y a pas de « dépénalisation » possible de l’euthanasie. En effet, l’euthanasie n’existe pas dans notre Code pénal. Elle n’est donc pas, juridiquement, pénalisée. Les magistrats ont d’autres chefs d’accusation à leur disposition, dont la non-assistance à personne en danger. C’est ce qui a été choisi pour poursuivre – et condamner en première instance – Jean Mercier qui a aidé sa femme à se suicider. En revanche, l’ADMD milite – entre autre, comme je l’indiquais tout à l’heure – pour une légalisation de l’euthanasie, ce droit, au fond assez simple, d’éteindre soi-même sa lumière, lorsque la vie n’est plus que de la survie.
La Raison : Le respect de la liberté de conscience est-il à l’origine de cette évolution ?
Jean-Luc Romero : Dans notre société, laïque, la vie n’appartient qu’au citoyen, dès lors qu’il dispose de sa capacité juridique. Le droit pour une femme de devenir une mère ou pas, le droit pour des personnes de même sexe de se marier ou pas, le droit pour des personnes arrivées à la fin de leur vie de demander la mort ou pas. Ce sont des choix personnels, intimes, qui s’appliquent en conscience.
La Raison : La Libre Pensée a pris l’initiative d’une manifestation le 5 décembre 2015 pour la défense et la promotion de la loi de 1905. Qu’en pensez-vous ?
Jean-Luc Romero : Que puis-je répondre… C’est une excellente initiative, en ces temps où l’on note un brusque retour du religieux dans la sphère publique. Nous avons bien vu, lors des manifestations contre le mariage pour tous, au printemps 2013, les arguments religieux qui tenaient une place prépondérante dans les slogans. Il n’est pas possible de laisser la France s’engager plus avant sur cette pente. Je vais demander au Conseil d’administration de l’ADMD de bien vouloir se prononcer en faveur de la participation de notre association à cette grande manifestation du 5 décembre. A titre personnel, comme avec mes différentes casquettes associatives et politiques, je serai présent le 5 décembre pour la défense et la promotion de cette loi de 1905 qui reste chahutée, mais qui pourtant fonde notre République et notre vivre-ensemble.