En avril dernier, j'avais eu l'immense privilège d'être reçu avec quelques autres happy fews par Francis Huster dans son antre du théâtre Rive Gauche, puisque c'est là bas qu'il jouait, pour quelques mois encore, son "Joueur d'Échecs", un monologue tiré évidemment du chef d'œuvre de Stefan Zweig et adapté par l'incontournable Éric Emmanuel Schmitt.
Lors de cette rencontre, il nous avait avoué avoir été tellement obnubilé par son texte et par le personnage de Stefan Zweig qu'il était en train de finaliser un ouvrage dans lequel il donnerait ses clés pour mieux appréhender cet artiste qu'il dit admirer énormément artistiquement, mais pas forcément humainement.
L’acteur appréciait le génie littéraire de Zweig, mais doutait vraiment de l'homme. Il faut dire qu'il condamnait ouvertement l’inaction de l’homme, célébrissime en Autriche qui n’a pas pu ou n'a pas su utiliser sa notoriété pour combattre le nazisme contrairement « De Gaulle » ou « Jean Moulin ».
Pour Huster, un artiste reconnu mondialement se doit d’agir face à la barbarie humaine, car pour lui un artiste ne doit pas réagir mais agir ,e en partageant au plus grand nombre sa vision de la vie et de ses valeurs morales, et de ne jamais céder à la barbarie.
L’inaction de Zweig pendant la guerre, attitude hautement condamnable selon Francis Huster est donc une des clés de ce livre, paru le 15 octobre dernier aux Editions le PASSEUR dans lequel Francis Huster cherche à percer l’énigme Zweig à partir d’une autopsie minutieuse de sa vie, de Vienne à New York, de Paris à Rio, de Berlin à Londres.
Huster pense avoir notamment découvert la nature profonde du génial écrivain et la vraie raison de sa mort : Zweig s’est tué pour se punir d’une faute impardonnable à ses yeux…
Comme le dit Eric Emmanuel Schmitt dans la préface de cet ouvrage, Huster ne doute pas une seule seconde que Zweig fut un grand écrivain, il doute qu'ilfut un grand homme, caropportuniste ambitieux, frileux et trop souvent prudent.
Mais loin de démystifier une statue, le livre d'Huster tente de rendre Zweig à sa condition de personnage zweiguien, un personnage faible avec ses doutes et ses faiblesses. Une vision éminement partiale et contestable, mais un point de vue passionnant que ce livre exploite avec talent et singularité.