Christopher Wood (né enl 1901 à Knowsley, près de Liverpool – mort en août 1930 à Salisbury), est un peintre anglais dont l’oeuvre a influencé le développement du modernisme anglais, malgré la disparition prématurée de son auteur à la vie bohème, mouvementée et marquée par l’addiction aux drogues. Il est l’un des rares peintres britanniques à avoir obtenu une certaine reconnaissance dans la mouvance artistique parisienne des années 1920.
Fils de médecin, Christopher Wood s’initie au dessin à l’âge de quatorze ans, pendant une convalescence. En 1919, il commence des études d’architecture à l’université de Liverpool où il rencontre Augustus John qui l’encourage à devenir peintre, avant que le collectionneur Alphonse Kahn ne l’invite à se perfectionner dans cette voie à Paris.
Dès 1921, Wood, surnommé « Kit » par ses amis, y suit les cours de l’Académie Julian puis de la Grande Chaumière. Il s’intègre rapidement dans les cercles artistiques à la mode où Khan lui présente le diplomate chilien Antonio de Gandarillas, neveu de la mécène Eugenia Huici de Errázuriz. Cette rencontre aura une influence décisive sur la vie du jeune Wood. Riche, dilettante, homosexuel, opiomane et mondain, Tony de Gandarillas lui présente de nombreux artistes de Paris et l’initie à l’opium tandis que les deux hommes deviennent amants. Gandarillas soutiendra financièrement Wood, souvent impécunieux, jusqu’à sa mort. Pendant plusieurs années, le couple mènera une vie parisienne de bohème mondaine, entrecoupée de nombreux voyages et séjours à travers l’Europe, en Afrique du nord, en Grèce et en Italie.
En 1925, Wood rencontre Jean Cocteau, également opiomane – dont le style au trait dépouillé influencera son dessin – et expose pour la première fois seul à Londres. La même année, Eugenia Errázuriz le présente à Picasso, qui apprécie son travail, et dont l’influence est indéniable sur son œuvre. Toujours en 1925, il expose en compagnie de Paul Nash à la galerie Redfern de Londres et rencontre un couple d’artistes anglais avec lequel il restera intimement lié jusqu’à la fin, tant sur le plan personnel que sur un plan artistique : Ben Nicholson et son épouse Winifred. C’est durant ces années qu’il fait également la connaissance de Max Jacob, dont il peindra un remarquable portait quelques années plus tard, et se lie sentimentalement avec Jeanne Bourgoint, un mannequin qui, avec son frère Jean, inspirera à Cocteau Les Enfants Terribles.
Développement d’un style
En 1926, Diaghilev confie à Wood la création des décors et costumes du ballet Roméo et Juliette mais cette commande est annulée au dernier moment. Wood retourne alors en Angleterre où il prend part aux activités du Groupe de Londres puis, en 1927, de la Seven and Five Society en compagnie, entre autres, du couple Nicholson. Il ne cessera cependant les trajets entre le Royaume-Uni et la France, tantôt en Bretagne, tantôt dans le sud de la France ou en Cornouailles, exposant avec les Nicholson à Paris ou à Londres.
Avec les Nicholson, Kit se rend en 1928 dans le Cumberland puis dans les Cornouailles britanniques, stimulé par l’implication de Ben dans son propre travail artistique. Durant un voyage à St Ives, avec celui-ci, il rencontre le peintre-pêcheur Alfred Wallis, dont le style naïf répond à leurs aspirations communes à une expression primitive de la peinture ; cette influence finira d’asseoir le style personnel de Wood. Après une aventure malheureuse avec la peintre et riche héritière Meraud Guiness, il se lie avec Frosca Munster, une aristocrate russe qui a fui la révolution bolchevique. Cette dernière parait apporter un semblant d’équilibre à Wood qui demeure très dépendant aux drogues, quoiqu’il peigne de plus en plus.
Deux dernières années
En 1929, Wood expose seul à la Tooth’s Gallery de Londres puis, avec Ben Nicholson, à la galerie Bernheim à Paris où Wood expose les toiles qu’il a peintes en Bretagne au cours de l’année. Grâce à un petit héritage, Wood s’installe à Londres dans une petite maison non loin des Nicholson et de Tony de Gandarillas, mais ne peut s’apaiser, tenaillé par ses besoins en stupéfiants. Qui plus est, la crise de 1929 a ruiné pas mal de ses riches amis, et Gandarillas, s’étant entre temps lié au poète surréaliste René Crevel puis à la duchesse de Gramont, montre moins d’empressement à l’entretenir.
En juin 1930, Wood se rend dans la station balnéaire de Tréboul, dans une région alors prisée par les peintres depuis le passage de Gauguin dont il admire l’œuvre – avec celle de Van Gogh. Il y vit dans un petit hôtel et y travaille notamment en compagnie de son amant, le peintre anglais Francis Rose, et de Max Jacob qui l’y a rejoint. S’il produit beaucoup durant cette période, sa dépendance à l’opium est devenue telle que l’argent que lui font parvenir Frosca et Tony, sans cesse en voyage, ne suffit plus. Malgré les attentions de ses amis, il ne peut résister et finit par s’intoxiquer en fumant les déchets d’opium. Il décide alors de rejoindre l’Angleterre pour obtenir l’aide de ses parents.
Il quitte la Bretagne, emportant les tableaux avec lesquels il projette de faire l’ouverture de la galerie londonienne Wertheim, qui doit avoir lieu en octobre de la même année. C’est alors, le 21 août 1930, qu’il tombe sous un train à la gare de Salysburry dans des circonstances restées mystérieuses : son addiction à l’alcool et à l’opium, ou encore ses troubles mentaux l’ont possiblement poussé à commettre un suicide mais sans que l’éventualité d’un accident puisse être écartée…
Postérité
Dans les années suivant sa mort, plusieurs expositions posthumes de ses tableaux seront organisées par d’importantes galeries londoniennes (Wertheim, Lefevre, Redfern,…) qui compteront dans l’élan donné au néo-romantisme anglais. En 1938, il figurera au pavillon anglais de la biennale de Venise et la Royal Academy organisera une importante rétrospective qui achèvera de consacrer son œuvre, désormais largement représentée dans les collections publiques d’Europe et des États-Unis.
L’essentiel de la production de Christopher Wood a pris place entre 1928 et 1930, essentiellement en Bretagne et dans les Cornouailles. Ses peintures sont d’une facture très personnelle, dans un style faussement naïf aux couleurs profondes et de plus en plus terreuses, qui, s’il a été influencé par Ben et Winifred Nicholson, est caractéristique de l’artiste. Malgré une vie brève et mouvementée, ce fut pourtant un artiste productif puisqu’on compte environ 500 huiles dans son œuvre.